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Alchimie

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faire parallèlement aux transformations des métaux. L’alchimie assume ainsi les

caractéristiques d’une religion révélée qui vise le salut de l’âme et l’union mystique

avec la divinité. Mais on peut constater que dans les textes des alchimistes grecs,

et notamment chez Zosime, cet aspect s’accompagne de – et n’exclut pas – l’éla-

boration de ses principes théoriques et techniques selon une méthode rationnelle.

Vers une approche multidisciplinaire

La nature du savoir alchimique gréco-alexandrin apparaît donc indéniablement

double : théorique et pratique. Il s’agit de textes et de recettes qui concernent

à la fois des réflexions mystiques, cosmologiques et physiques, et la production

d’objets concrets et historiquement identifiables, comme le travail et la colora-

tion des métaux, des tissus, des pierres précieuses. Il ne s’agit pas seulement du

but idéal, rêvé et jamais atteint de la

chrysopoeia

, c’est-à-dire de la fabrication de

l’or à partir d’autres métaux. Les premiers textes sont probablement des cahiers

d’artisans, issus du milieu des orfèvres des rois d’Égypte. C’est pour cette raison

que l’on peut considérer l’alchimie grecque comme un sujet limite entre l’histoire

de la philosophie, la philologie et l’histoire des sciences et des techniques, un sujet

composite qui demande donc la mise en commun de nombreuses compétences

non seulement théoriques et historiques mais aussi pratiques et techniques, en

contact direct avec la matière, comme l’archéologie, la métallurgie et la chimie

qui étudie les matériaux et leurs transformations par les procédés artistiques. Un

exemple paradigmatique de collaboration interdisciplinaire entre philologues,

historiens, archéologues et chimistes autour d’un objet d’étude commun est

constitué par un cas déjà évoqué, celui du « bronze noir » de Corinthe. En effet,

la découverte de recettes syriaques de Zosime pour la fabrication de cet alliage

mythique a attiré l’attention des archéologues et des chimistes qui s’interrogent

depuis longtemps sur le lien entre les allusions des auteurs classiques et certains

objets conservés dans les musées, qui présentent justement une étonnante patine

noire. Or les recettes de Zosime syriaque sont les seules recettes antiques rela-

tives à cette technique qui nous soient parvenues. Leur reproduction pourrait

fournir la clé de ce procédé, à condition qu’une collaboration très étroite se fasse

avec les philologues pour le déchiffrement des textes.

En l’état actuel des études dans ce domaine, il apparaît fondamental de

poursuivre la recherche sur le front multidisciplinaire et de valoriser le côté sys-

tématique et positif de l’alchimie, ce qui est légitime, car les anciens auteurs

eux-mêmes opposent souvent la recherche naturelle et rationnelle à une pra-

tique trompeuse et soumise aux lois du hasard et à la volonté des démons. L’un

des avantages les plus urgents de cette perspective méthodologique serait de