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Alchimie

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décrites se reconduisent essentiellement par la production d’alliages contenant

parfois de l’or et de l’argent en proportions variables, et par des traitements de

coloration en surface, comme dans le cas des recettes du « bronze noir », conser-

vées par Zosime syriaque. Le changement de la couleur est le but commun de ces

différentes opérations. Si l’on tient compte du fait que dans l’Antiquité la cou-

leur reflète la composition même d’un corps, on comprend l’étroite proximité

entre l’idée de colorer et de « faire » un métal. Dans les ouvrages de Zosime sont

décrits la plupart des appareils. Le plus célèbre est l’alambic – en grec

ambix

, ce

qui donnera ensuite, par l’intermédiaire de l’arabe,

al-’ânbîq

(alambic) –, qui

constitue la forme de base des appareils à distiller.

La transmutation

Tout le développement de l’alchimie grecque, des premiers recueils de recettes

aux réflexions théoriques des auteurs et des commentateurs, est orienté par une

tension dialectique entre théorie et pratique. Cette tension est étroitement liée

au rapport ambigu qui subsiste entre imitation et réalisation effective de l’or,

entre

aurifiction

et

aurifaction

, pour employer la célèbre distinction faite par

Joseph Needham. L’intention qui se dégage des premiers traités techniques est

de réaliser une teinture qui soit une « imitation » le plus fidèle possible de l’or.

L’élaboration théorique transforme progressivement l’imitation dans le but

idéal de la transformation totale. Mais pourquoi l’or ? Parce qu’il est, depuis

l’Antiquité, le métal le plus beau, le symbole de la lumière et de l’incorrupti-

bilité. En effet, il ne rouille pas. Selon Platon et Aristote, il est le signe de sa

nature pure, contenant le moins possible de résidus terreux, ce qui le place en

tête des classifications anciennes des métaux. Cela dit, les alchimistes cher-

chaient à fabriquer non seulement l’or, mais aussi d’autres alliages tout autant

précieux, comme l’

electrum

(mélange d’or et d’argent). L’idée de la transmuta-

tion se fonde sur la conception que tous les métaux sont constitués d’une même

matière première métallique commune et réceptive à laquelle s’incorporent des

« qualités » selon des principes de sympathie. La réflexion théorique sur les opé-

rations alchimiques puise de manière évidente et déclarée son appareil concep-

tuel et sa terminologie dans la philosophie grecque, et surtout aristotélicienne.

Il est intéressant de souligner qu’en dépit des obstacles théoriques l’alchimie res-

tera toujours informée par les modèles physiques et métaphysiques d’Aristote.

En effet, toute l’alchimie médiévale s’efforcera de négocier avec Aristote les

arguments que la philosophie officielle oppose à la transmutation, comme la

fixité des espèces. Cette ambiguïté sera l’une des principales caractéristiques de

l’alchimie de toutes les époques.