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Alchimie

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L’ésotérisme de l’alchimie

Dans l’alchimie grecque, on retrouve les deux aspects fondamentaux de l’« éso-

térisme » qui découlent de l’étymologie même du mot

esoterikos

(interne) : la

spécialisation technique et l’intériorisation mystique. En premier lieu, comme

tout savoir spécialisé, technique ou philosophique, l’alchimie demande un

apprentissage, une initiation à des « doctrines internes », dans le sens aristotéli-

cien d’« internes à une école ». Les alchimistes sont des « initiés »

(mustai)

et ont

accès à des mystères

(mustêria)

issus d’une révélation faite originairement par un

être surnaturel. Par exemple, dans la

Lettre d’Isis à Horus

, le secret de la prépara-

tion de l’or et de l’argent est le fruit d’une révélation d’un ange à Isis qui, à son

tour, la transmet à Horus, son fils unique et légitime. Zosime reçoit en songe

des révélations sur les propriétés des métaux. L’usage d’occulter délibérément la

vérité est un trait constant de la littérature alchimique, admis par les alchimistes

eux-mêmes. D’où l’éloge du silence, l’obscurité des expressions, les allégories, les

métaphores, le langage symbolique. Dans le

Compte final

(

caag,

II, 239, 12 s.),

Zosime raconte que les artisans des rois d’Égypte, préposés à accroître les trésors

royaux, étaient censés garder le secret afin de ne pas permettre aux autres l’accès

au pouvoir dominateur de la richesse. Ce qui rappelle la raison de la destruc-

tion des livres alchimiques ordonnée par Dioclétien et rapportée par les chroni-

queurs byzantins. De même, dit Zosime, Démocrite et les Anciens, qui étaient

amis des rois d’Égypte, ont caché cet art dans l’intérêt des rois, mais aussi par

une forme de jalousie, dirions-nous, scientifique. Le binôme jalousie/secret est

fréquent dans le corpus des alchimistes grecs. On retrouve souvent l’opposition

entre les « jaloux », qui ont caché la vérité sous une multiplicité de mots, et les

philosophes « sans jalousie », qui se sont exprimés de manière claire. Chez les

commentateurs, dont le but principal est de clarifier les écrits des Anciens, l’obs-

curité de ces derniers est souvent considérée comme apparente. Olympiodore,

par exemple, au sujet de l’« eau divine », montre que le langage allégorique et

philosophique des Anciens est en réalité clair et sans jalousie. Il fait remonter

l’usage des expressions énigmatiques à Platon et Aristote, et il explique que le but

est d’inciter les chercheurs à poursuivre leur enquête au-delà des phénomènes

physiques (

caag,

II, 70, 4 s.).

L’autre versant de l’ésotérisme alchimique est celui d’un chemin à l’« inté-

rieur », non plus seulement d’une discipline, mais de soi. Chez Zosime, on trouve

le dogme hermétique, ou plus généralement gnostique, de la connaissance de

Dieu et de l’accueil de Dieu en soi-même. La séparation de l’âme du corps (voir

les fréquentes allusions à l’homme « intérieur » ou « pneumatique ») apparaît

comme le but idéal d’une transformation intérieure de l’homme qui semble se