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Alchimie

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plus fréquemment admise pour l’étymologie du mot arabe est une transcrip-

tion du grec

chumeía

/

chêmeía

(fusion, alliage), par l’intermédiaire du syriaque

kîmîyâ

. Le périple de l’alchimie est avant tout méditerranéen : l’alchimie latine

est entièrement fondée sur les textes arabes, qui ont eux-mêmes hérité avant tout

de l’alchimie grecque hellénistique, transmise aux alentours des viii

e

-ix

e

siècles,

le plus souvent via des intermédiaires syriaques.

Deux idées reçues doivent être rectifiées. Les alchimistes ne sont générale-

ment pas des fanfarons ou des farfelus, mais bien souvent des personnages à la

pointe de la science de l’époque : une majorité des recettes alchimiques sont véri-

diques et peuvent être reconstituées, et la production de l’or et de l’argent est loin

d’être le seul objet des traités. Il faut également mentionner que les alchimistes

ne séparent que très rarement théorie et pratique : cette conception est plutôt

moderne, et les auteurs antiques et médiévaux ne se représentent jamais les tech-

niques en dehors des cadres conceptuels dont ils ont hérité ou qu’ils ont élaborés.

Antiquité

Les alchimistes gréco-alexandrins faisaient remonter l’origine de leur art à l’Égypte

ancienne, thèse que la plupart des historiens ont suivie. On a aussi supposé

des relations avec l’alchimie mésopotamienne, indienne et chinoise mais, au-delà de certaines parentés de thèmes ou de procédés, on n’a, à présent, aucune

preuve décisive d’une influence réciproque. En effet, l’alchimie grecque est un

phénomène particulier, éminemment alexandrin et « méditerranéen », à la fois

complexe et unique en son genre, né à la confluence de traditions techniques,

intellectuelles et religieuses propres à l’Égypte gréco-romaine. Les alchimistes

se définissent eux-mêmes comme des « philosophes », Platon et Aristote appa-

raissent en tête des listes des anciens maîtres de l’art, certains d’entre eux sont

appelés « exégètes de Platon et d’Aristote ».

L’intérêt des Modernes pour l’alchimie grecque fut suscité par les travaux du

chimiste Marcelin Berthelot,

Les Origines de l’alchimie

(1885) et la

Collection

des anciens alchimistes grecs

(1888‑1889) [

caag

], qu’il publia en collaboration

avec l’helléniste Charles-Émile Ruelle. L’approche historique de Berthelot était

essentiellement rationaliste. Il voyait dans l’alchimie l’origine de la méthode expé-

rimentale et la préparation de la chimie moderne. La

Collection

fut considérée

comme plutôt faible du point de vue de la rigueur philologique, mais elle eut le

grand mérite de diffuser ces textes et de stimuler la recherche érudite. Entre 1924

et 1932 furent publiés les huit volumes du

Catalogue des manuscrits alchimiques