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Identification

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métiers et les maîtres établissaient des lettres de congé aux compagnons qui

devaient les présenter lors de leur arrivée dans une autre ville. Des curés de vil-

lage rédigeaient des certificats de catholicité pour des ruraux cherchant du travail

en ville, les chefs de communautés séfarades fournissaient également des attesta-

tions pour des membres en voyage. C’est sur cet ensemble de pratiques sociales

d’identification que s’appuyaient

les autorités politiques des villes ou des territoires.

Ajoutons que dans les grandes villes (tel Paris au xviii

e

siècle), les migrants por-

taient parfois sur eux des documents autofabriqués, des « bracelets de parchemin »

(Farge), indiquant l’adresse d’un proche dans la ville ou dans leur lieu d’origine.

Et les esclaves interrogés à l’époque moderne par les rédempteurs dans les ports

corsaires du Maghreb donnaient les noms de proches dans leur pays d’origine :

ces relations sociales permettaient de les identifier et d’aider ainsi à leur rachat.

L’identification était donc un élément inhérent et nécessaire à la vie en mouvement.

L’entrée dans les villes

C’est au moment du passage, par exemple lors du franchissement de la porte d’une

ville, que l’on peut observer la complexité et l’inscription sociale de l’identifica-

tion. Franchir les portes de la Rome antique, demander l’accueil au fondouk des

Français à Tunis ou à celui des Turcs à Venise, entrer dans le port de Marseille,

passer la douane de Livourne ou d’Alger moderne, le moment de l’entrée a un effet

de loupe qui fait apparaître la variété des mouvements de populations et la diver-

sité des accueils qui leur sont réservés. Selon le temps et le lieu, les seuils à fran-

chir peuvent se trouver soit à la porte, soit à l’intérieur de la ville. Dans les villes

antiques, les portes ont rarement servi à contrôler la population, sauf en période

de guerre. Ce n’est que dans l’Antiquité tardive que se mettent en place différents

contrôles et procédures documentaires, visant soit à limiter le séjour de certains

groupes (les étudiants par exemple), soit à refouler la « mobilité inutile ». Avant

cette époque, les formes de contrôle urbain, qui n’ont jamais eu de caractère per-

manent, ont été de trois sortes : interdictions de séjour, interdictions de passage

(quelquefois statutaires, le plus souvent liées à une peine judiciaire), et expulsions

ponctuelles. Lors de disettes, on expulse les étrangers, lors de troubles publics, on

expulse les catégories coupables – juifs, philosophes, astrologues. Dans tous ces

cas, cependant, il est difficile à l’historien d’estimer l’efficacité de ces mesures et les

critères sur lesquels se fondait l’identification des personnes expulsées. Plus généra-

lement, la grande ville reste un espace idéal pour les clandestins, et l’on constate le

maintien d’une tradition d’hospitalité que ces expulsions heurtent, comme le rap-

pellent Cicéron, Ammien Marcellin ou saint Ambroise en des temps différents.