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dès lors, à l’obligation du patronyme. Dans certains cas, l’administration d’un

état civil articulé accompagne l’organisation régulière des recensements qui tra-

duisent l’engagement des autorités centrales dans la conquête administrative des

territoires. Dans l’Empire ottoman, les officiers d’état civil se joignent, autour

de 1840, aux inspecteurs du ministère de la Population chargés d’enregistrer les

populations de l’Empire. Cet enregistrement par province se poursuit jusqu’à la

promulgation, en 1890, d’une loi sur l’état civil. Dans l’Égypte, sous domina-

tion ottomane ou sous protectorat britannique, il n’existe aucun état civil avant

les années 1950, et l’enregistrement des individus reste entièrement du ressort

des communautés qui se chargent elles-mêmes de moderniser et rationaliser les

rubriques des registres.

À l’échelle de la Méditerranée, la stabilisation des identités, sous la forme

qu’elle prend actuellement – un prénom, un nom, une date et un lieu de nais-

sance, de mariage, de décès, etc. –, se diffuse très progressivement et très iné-

galement. Elle dépend à la fois des développements de l’état civil et, pour les

hommes, de la conscription militaire à laquelle il devient presque impossible

d’échapper à partir de la fin du xix

e

siècle. Les guerres et calamités naturelles

entraînent cependant la destruction des archives qui laissent une part non négli-

geable de la population sans moyen de prouver son état civil. La création tar-

dive, en 1948‑1949, d’une Commission internationale de l’état civil, qui siège

à Strasbourg, et son maintien jusqu’à aujourd’hui traduisent les difficultés nom-

breuses rencontrées en vue de parvenir à une véritable unification des pratiques

à l’échelle internationale.

Les réformes de l’identité judiciaire

Les impératifs en matière de paix sociale, de pacification des territoires et d’ordre

public conduisent à cibler certaines catégories de population qui font l’objet

d’un enregistrement et d’une identification spécifique : catégories subalternes

des sociétés coloniales, insurgés, révolutionnaires ou anarchistes, groupes répu-

tés criminogènes comme les prostitués, vagabonds ou « Tsiganes », criminels

condamnés, bagnards et récidivistes. Tous ces groupes dont la littérature crimi-

nologique du xix

e

siècle caractérise les membres par des déterminants supposé-

ment stables, voire héréditaires, mobilisent l’attention des autorités et incitent

les institutions judiciaires à repérer et identifier les individus avec précision. La

possibilité d’échapper au régime de la peine et l’idée que des individus puissent

se confondre aux couches élevées de la société deviennent progressivement insup-

portables et l’anonymat, la dissimulation ou, pire, l’usurpation sont érigés en

fléaux, notamment dans la presse de masse alors en plein essor.