Identification
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années 1920, sous l’égide de la Société des nations, plusieurs conférences ont lieu
à Paris (1920), Barcelone (1921) et Genève (1923, 1926) et décident l’adoption
d’un document unique, personnel et universel dont le format et les usages sont
définis peu à peu. Désormais, tout voyageur, qu’il soit touriste, étudiant, immi-
grant ou émigrant en transit, doit obtenir un visa de départ tamponné par les
autorités aux frontières et se munir de ce papier d’identité indiquant sa nationa-
lité et portant sa photographie. Soumis à un contrôle individuel à son arrivée, il
peut être contraint à l’obligation d’une carte d’identité spéciale comme celle ins-
taurée en France en 1917 pour les étrangers. Fondé sur une application stricte
du principe de la nationalité, ce système défavorise des groupes de migrants
placés dans des situations inextricables : c’est le cas en particulier des réfugiés et
apatrides pour lesquels est créé, en 1922, un passeport spécial dit « Nansen »,
qui apporte une solution administrative et se destine en particulier aux réfugiés
arméniens, victimes du génocide de 1915‑1916.
L’identification par la nationalité est encore renforcée sous l’influence des
régimes autoritaires qui étendent un enregistrement destiné à valoriser le statut
des nationaux et à exclure de la société les minorités réprouvées : des « cartes
d’identité nationale » sont ainsi généralisées en Italie et au Portugal (1926), en
France (1940) et en Espagne (1944). Le contrôle des identités prend des formes
particulièrement tragiques durant la Seconde Guerre mondiale : l’adjonction
d’une mention infamante, comme le
J
de juif, sur les documents d’identité
accompagne l’inscription dans des fichiers ou des recensements qui conduisent
à la déportation comme en France et en Italie.
Des identités contraintes et fluides
Les dérives politiques et les abus administratifs qui entourent l’histoire contem-
poraine de l’identification ont suscité une prise de conscience sur les dangers
potentiels d’un usage exclusif des modes d’enregistrement. La désignation des
individus suivant la consonance de leur nom ou leur appartenance religieuse
resurgit pourtant au moment des guerres au Liban, entre 1975 et 1990, ou en
ex-Yougoslavie, entre 1991 et 2001, montrant ainsi les effets à long terme des
catégories élaborées au cours du xx
e
siècle par l’ethno-politique. La présence
parfois problématique d’une mention relative à la religion sur la carte d’iden-
tité turque ou les débats houleux qui ont suivi, sous l’influence de l’Union
européenne, la suppression de cette mention sur la carte d’identité grecque
après 2000 traduisent les contrastes qui caractérisent durablement l’aire médi
terranéenne. Sur un autre plan, les idéaux contradictoires de la libre circulation
et de la maîtrise des frontières se heurtent violemment en matière de régulation