Previous Page  5 / 22 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 5 / 22 Next Page
Page Background

Échanges commerciaux

415

règles édictées dans les ports et cités indépendants : le vin réputé de Thasos fait

l’objet d’une réglementation que certains qualifient de « protectionniste », la

cité de Délos contrôle le commerce du charbon et du bois, denrées rares en

mer Égée ; comme nombre de cités au iii

e

siècle, l’État rhodien fait timbrer les

amphores de vin à l’exportation…

En Méditerranée occidentale, l’ouverture de Rome au monde extérieur, l’ac-

tivité des

negotiatores

qui précèdent souvent les conquêtes militaires, l’afflux

monétaire qui est la conséquence de ces dernières, l’accroissement des besoins

poussent Romains et Italiens à se lancer dans de grandes opérations commer-

ciales. L’évolution vers une économie d’échanges est un des traits nouveaux

de l’économie romaine à partir de la seconde moitié du iii

e

siècle. av. J.‑C. Les

témoignages matériels des échanges révélés par l’archéologie montrent la mise

en place de routes commerciales qui sillonnent la Méditerranée. Les fouilles

sous-marines, notamment, ont mis en évidence l’existence de navires chargés

de milliers d’amphores à vin destinées à étancher la soif gauloise, qui entraîne

d’énormes profits et incite tout un pan de l’agriculture italienne à produire le

vin transporté par les marchands italiens jusque dans les ports de redistribution,

Marseille, Arles et Narbonne, avant de remonter les fleuves par capillarité. On

a pu ainsi calculer à un million par an le nombre d’amphores à vin exportées

depuis l’Italie, en majeure partie depuis la côte tyrrhénienne, vers la Gaule. Mais

le vin est loin d’être le seul objet du commerce et il ne faut pas négliger les autres

marchandises qui génèrent de grands profits comme les métaux, ou encore les

esclaves achetés au marché de Délos, port franc où les

Romaioi

étaient installés

en nombre, et qui étaient ensuite revendus en Italie.

À partir de l’époque césarienne et surtout de l’avènement de l’Empire, l’échelle

des échanges subit une accélération. Le débat opposant primitivistes et moder-

nistes a longtemps masqué une réalité complexe et diversifiée. Parcellaire, iné-

gale, autorisant des interprétations contradictoires, la documentation explique

que les débats aient sans cesse été relancés depuis le xix

e

siècle. Les travaux

récents, en soulignant l’importance des productions commercialisées et l’évolu-

tion des échanges en Méditerranée, semblent cependant contredire l’hypothèse

d’un « énorme conglomérat des marchés interdépendants », selon l’expression

de Peter Temin (2011). Ces sources archéologiques doivent cependant être

convoquées avec prudence, car elles sont fragmentaires : la céramique y est sur-

représentée, tandis que les produits périssables sont presque totalement absents.

Il est nécessaire par ailleurs de différencier les produits de consommation cou-

rante et ceux qui font l’objet d’un commerce de luxe ou ponctuel, puisqu’ils ne

reposent pas sur la même demande. La question du mode de distribution doit

elle aussi être envisagée : si l’on a récemment eu tendance à réévaluer le transport

par voie terrestre, l’essentiel des marchandises, notamment les plus pondéreuses,