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Cet assortiment, qui se perçoit dans les tableaux de Joseph Vernet au milieu
du xviii
e
siècle (Marseille, Toulon, Antibes, Bandol ou Sète), se différencie
par la portée (de quelques tonneaux à plusieurs centaines), l’architecture (un
à trois mâts, un ou deux ponts), le gréement (latin, carré, mixte), la compo-
sition des équipages et leurs usages (pêche, guerre et commerce). Comme en
Ponant, ces bâtiments sont en général des propriétés fractionnées en 24 parts
ou quirats ou carats, construits dans les chantiers locaux sans grandes infras-
tructures et ne présentent pas de bouleversements techniques majeurs.
La présence d’instruments nautiques, variés et en nombre croissant depuis
le xiii
e
siècle, atteste les progrès de la circulation. Ils se
découvrent dans des
actes notariés à l’occasion d’évaluations de caisses marinières ou d’inven-
taires après décès chez des capitaines mais aussi quelquefois chez des mate-
lots : des cartes de navigation, des « routiers » qui indiquent la nature et la
profondeur des fonds, les amers et les accès aux ports, des « portulans » qui
contiennent des instructions nautiques (directions, distances, mouillages,
aires de vents), des instruments comme arbalète, « flèche pour prendre la hau-
teur », « compas à pointe de navigation », boussole (présente en Méditerranée
sans doute depuis la fin du xii
e
siècle), « lunette d’approche », ainsi que des
ouvrages comme
La
Pratique du pilotage
du père Pézenas,
le
Traité général
des manœuvres pour les vaisseaux
,
Le Petit Flambeau de la mer
ou
Véritable
Guide des pilotes côtiers
,
la
Trigonométrie
de Blondel Saint-Aubin ou l’
Instruc-
tion des pilotes
de M. Le Cordier. De régulières mais lentes et discrètes mises
à jour de ce matériel sont effectuées pour améliorer et sécuriser la navigation.
En 1693, à la demande de plusieurs capitaines, la chambre de commerce de
Marseille décide de « faire établir, par le sieur Berthelot, hydrographe du roi,
de Marseille, une nouvelle carte de la Méditerranée afin de corriger les
“fautes
considérables capables de fascheux accidens très préjudiciables à la naviga-
tion et au bien du commerce” ».
Dans la mesure où l’on parle de « long cours » quand il y a « traversée
océane », toute navigation en Méditerranée, qui n’est donc pas transocéanique,
est du cabotage. Une telle définition relève des ordonnances prises en France
par l’État royal, entre 1664 et 1740, et se retrouve dans l’actuel droit maritime
international. Le cabotage peut toutefois revêtir deux formes : soit la droiture,
c’est-à-dire une navigation sans escale, soit la « navigation de proche en proche
et de port en port » (Savary des Bruslons,
Dictionnaire universel du commerce
,
1729), allant « comme les crabes de rocher en rocher » (Braudel) ; on parle
d’ailleurs encore au xviii
e
siècle, comme le font des encyclopédistes, de « capo-
tage » pour qualifier cette navigation qui va « de cap en cap », ce « grouille-
ment vif et rapide » le long des rivages observé en Catalogne par Pierre Vilar
au xviii
e
siècle. En prenant en considération le vécu des marins, la distance