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Échanges commerciaux

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avec leurs petits moyens, savoirs et capitaux, font circuler à très court terme des

marchandises très encombrantes et à bas prix. Pour Braudel, la Méditerranée

des échanges est essentiellement celle des niveaux supérieurs. Là, dans les grandes

foires et grands ports, circulent, avec les denrées de première nécessité, les mar-

chandises capables de produire de la distinction, d’honorer les lieux et les hommes

qui les fabriquent, les échangent et les consomment : épices, étoffes de qualité,

métaux et pierres précieuses, pigments destinés à colorer murs et vitraux d’églises

et de bâtiments, sans oublier les toiles des grands peintres. Le caractère fonda-

mental de ces biens réside dans leur rareté, une large part d’entre eux arrivant

de pays lointains.

Ces circuits, qui débordent largement des côtes méditerranéennes, prennent

des directions différentes. Ainsi, les routes de l’ambre, déjà actives à l’époque pré-

historique, se situent pour la plupart le long des méridiens, grosso modo de la

mer Baltique aux rives nord de la Méditerranée. Mais l’axe qui suit les parallèles

est de loin le plus important. Il s’agit-là de flux ayant leur « plaque tournante »

sur les côtes du Moyen-Orient, à Tripoli, Sidon, Alexandrette, Alep, puis Acre et

Beyrouth et, plus au sud, Alexandrie. C’est là que débouchent les voies terrestres

de la soie qui partent du cœur de la Chine et qu’arrivent les navires et caravanes

chargés des épices provenant des côtes de l’océan Indien. Peu de marchandises

mais beaucoup d’argent viennent en revanche d’Occident. De l’argent qui,

à l’époque moderne, provient des mines américaines, se disperse dans les méandres

des immenses économies asiatiques. La gestion de ces flux se situe toutefois dans

les grandes places marchandes des rives nord de la Méditerranée : les capitales, à la

fois politiques et commerciales de l’Antiquité classique grecque et romaine ; puis,

à partir du milieu du Moyen Âge, les centres de l’empire maritime aragonais et

les villes d’Italie du Centre-Nord (Pise, Gênes, Venise, Florence). Là, la construc-

tion de savoirs et d’outils de la vie marchande – la comptabilité en partie double,

la lettre de change, la banque, les groupements d’entreprises – fusionne harmo-

nieusement avec la construction d’une civilisation urbaine de grande envergure.

L’élargissement des circuits d’échanges européens aux océans marque un

tournant irréversible de notre histoire, symbolisé par le rétrécissement de la

Méditerranée – qui, sur les planisphères, occupait de loin la partie la plus impor-

tante et la plus centrale du monde chrétien – en un bras de mer sur les nouvelles

cartes. Les eaux de la mer Intérieure, à la fois peu étendues et farouchement

disputées par des puissances rivales, sur le plan également de la culture et de la

religion, se marginalisent au fur et à mesure. Les échanges méditerranéens conti-

nuent toutefois de se développer avec dynamisme : la liste des places marchandes

s’élargit, dont Naples et Barcelone, Marseille et Livourne, Istanbul et Smyrne,

Alexandrie et Alger, Trieste et Le Pirée ; et, grâce également à la « descente des

marchands nordiques », hollandais et anglais entre le xvi

e

et le xvii

e

siècle, et