Voyage | Bertrand, Gilles

Voyage 1541 établies sur ses rives. Prolongée par ses « annexes », la mer Adriatique, la mer Égée ou les détroits, Mare Nostrum offrait ses îles à la curiosité des voyageurs en route vers des destinations lointaines : Corfou, Chypre, la Sicile, la Sardaigne, les « îles de l’Archipel » et bien d’autres. Le voyage en Méditerranée est pourtant longtemps apparu comme une épreuve redoutable. Cette mer connue restait largement crainte au Moyen Âge. Jean Delumeau (1978) a fait l’inventaire des peurs qu’elle suscitait et Alain Corbin (2004) a montré comment il a fallu attendre le milieu du xviii e siècle pour que ses rivages, comme ceux d’autres mers, apparaissent moins hostiles aux yeux des Européens. Au cours du Moyen Âge, les pèle- rinages vers la Terre sainte donnèrent de l’espace méditerranéen une image à travers laquelle la Chrétienté s’est réfléchie. Variant selon que l’on venait de l’ouest par l’Espagne, Marseille, Gênes, Venise, Ancône ou Brindisi, ou du nord et de l’est par Pula, Raguse ou la mer Noire, les itinéraires menant à la Palestine, et ponctués d’étapes comme celle de la foire de l’Ascension à Venise, constituèrent la matrice de l’écriture de récits appelés à connaître d’impor- tantes transformations à partir du xvi e siècle. Les risques inhérents aux voyages d’époque moderne ont prolongé ceux des siècles précédents : pirates barbaresques, tempêtes provoquant des naufrages à l’instar de celui d’Ulysse aux abords du cap Malée dans le Sud du Péloponnèse, mal de mer dont nous parle de Brosses en 1739 entre Menton et Vintimille alors qu’il va en Italie. Ils ont contribué à renforcer des stéréotypes et prolongé des psychoses. La période moderne est restée marquée par la crainte des « tyrans de la mer, pirates, corsaires et flibustiers » (Requemora et Linon-Chipon, 2002), la Méditerranée suscitant alors un lucratif marché des « captifs » (Kaiser, 2008 ; Moureau, 2008). Ceux-ci étaient des musulmans conduits dans les ports de Gênes, Livourne, Messine, Trieste et surtout Malte avec le faible espoir d’être rachetés par quelque souverain musulman, ou des chrétiens faits prisonniers par les pirates barbaresques et ensuite revendus. Parti pour le Levant en 1638, le lieutenant de cavalerie Coppin fut pris par les corsaires majorquains à son retour vers Marseille et abandonné sur les côtes de Corse avant de repartir en 1640 pour Tunis et en 1642 pour la Syrie. Par-delà les aléas liés aux corsaires, les dangers naturels peuvent s’être combinés avec d’autres facteurs, provoquant l’échec d’expéditions comme celle de Charles Quint contre Alger en 1541. Effacée de la mémoire collective, cette dernière manifesta un désir de maîtriser la Méditerranée qui se heurta, à la différence de celle de 1535 à Tunis, autant à la tempête qu’à la démesure du projet et à la résistance des Algérois (Nordman, 2011). Un peu dans le même ordre d’idées, n’oublions pas l’échec militaire, face aux Anglais, de l’expédition d’Égypte dirigée par Napoléon Bonaparte en 1798.

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