Voile | Kerrou, Mohamed

Voile 1538 de l’identité à l’égard des impératifs du marketing et de la consommation. Or, dans son expansion actuelle axée à la fois sur l’adoption de l’ethos économique néocapitaliste et la moralisation des mœurs, le revoilement des femmes musul- manes se trouve piégé par deux contradictions insurmontables, à savoir, d’un côté, la volonté d’émancipation des femmes qui sont de plus en plus nombreuses à investir l’espace public et à accéder aux postes de commande et, de l’autre, l’es- thétisation des vêtements, des représentations et des pratiques sociales. C’est de cette double contradiction que résultent la floraison des magazines et des sites Internet consacrés aux femmes voilées et à leurs parures, l’émergence de nouvelles formes de couvre-chefs plus attirants et moins contraignants ainsi que la tendance des femmes musulmanes à transgresser les normes religieuses et à défier la police des mœurs, comme c’est le cas des Saoudiennes et encore plus des Iraniennes, notamment des jeunes qui participent, mi-voilées, mi-dévoilées, aux mouvements contestataires. Au moment où, un peu partout, le hijâb se transforme, voire recule comme c’est le cas en Turquie, tout en provoquant de nombreux débats où s’affrontent les réformistes et les fondamentalistes musulmans autour des versets coraniques relatifs au voile (31, 24 ; 59, 33), le voile intégral ( niqâb et burqa ), qui n’est pas recommandé par l’islammais résulte de traditions tribales asiatiques, interpelle l’opi- nion publique ainsi que la classe politique des pays européens. Cette tenue défie également les institutions religieuses et politiques des pays musulmans sécularisés, comme l’Égypte, où la burqa – voile intégral ne laissant rien apparaître du corps, y compris les yeux qui sont couverts d’une vue grillagée – gagne du terrain, en demeurant limitée à quelques milliers de femmes acquises à l’idéologie néo-salafiste alors que, pour la plupart, elles sont nouvellement converties à l’islam en Europe. L’apparition soudaine et inattendue, ces dernières années, du voile intégral porté par des femmes juives dans les quartiers israéliens ultra-orthodoxes a sus- cité la désapprobation des rabbins dont le Conseil a publié une déclaration d’illé- galité de cette tenue hérétique. Lancé par la rabbanite (femme de rabbin) Bruria Keren, mère de dix enfants et spécialiste en médecine alternative, le phénomène estimé au départ à une centaine de cas pourrait être plus large. On sait que ces femmes intégralement voilées, et qui se sont imposé, souvent contre la volonté de la famille, le précepte de la Zniuth ou modestie, sortent peu et observent des règles de vie strictes. Fait remarquable : l’émergence de la « burqa juive » intervient au moment où les autorités religieuses mènent une campagne pour substituer à la perruque des femmes le port du foulard et ne pas autoriser, en recourant à la halakha ou Loi juive régissant le droit de la famille, les femmes mariées à avoir les cheveux totalement ou même partiellement découverts. En somme, le phénomène actuel de la burqa , aussi bien en islam que dans le judaïsme, illustre la montée conjointe de l’individualisme et du revivalisme

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