Transe | Zillinger, Martin

Transe 1469 À ce jour, la tentative la plus aboutie pour théoriser la transe est sans doute celle qui ressort du travail d’Arnold Van Gennep sur les « Rites de passage » (Van Gennep, 1909). Élaboré soigneusement sur la base d’un matériel ethnogra- phique du monde entier, ce tableau d’une « phase interstitielle » rituelle a ins- piré Victor Turner (1969). Ce dernier s’en est servi pour développer, à partir de « l’entre-deux » caractéristique des « cultes de l’affliction » africains, une « théo- rie de la liminalité », qui peut être appliquée aux phénomènes de transe aussi bien en Méditerranée qu’ailleurs. Les composantes de la transe Le terme « transe » (du latin trans-ire , qui signifie « traverser, passer ») recouvre un éventail de phénomènes distincts mais tous caractérisés par une altération du sujet. Décrite en se fondant sur ses effets psychosomatiques observables, la transe a fréquemment été catégorisée comme un « état de conscience modifié » susceptible de culminer dans une dissociation du sujet, au cours de laquelle ce dernier se sent sous l’emprise d’un agent extérieur et devient son intermédiaire ou médium. Cette influence ou cette association avec des puissances désincarnées peut prendre différentes formes, et l’interprétation comme les réactions qu’elle sus- cite varient également en fonction des configurations locales de la religion, du contexte social et des circonstances personnelles du patient. Les tentatives pour différencier la transe extatique – associée au chamanisme et aux voyages spirituels (ek-statis) – de la transe de possession – associée à « l’adorcisme » et à l’exorcisme de démons et esprits intrusifs (De Heusch, 1971) – n’ont pas abouti, car bien souvent ces éléments fusionnent lorsqu’il est question de puissances extérieures et d’esprits. Les tentatives visant à réduire la transe à l’expression d’une maladie, d’une privation ou à des stratégies de domination et de résistance (Lewis, 1989) s’avèrent tout aussi insatisfaisantes, bien que le spécialiste de la transe découvrira tous ces éléments dans les différents champs religieux où la transe se manifeste. Une notion utile pour saisir les conceptualisations locales de l’« emprise » a été suggérée par Fritz Kramer (1993). Puisant dans le travail de Godfrey Lienhardt, il a réutilisé le concept passé de mode des passiones pour évoquer le phénomène de perte de maîtrise de soi et de prise de contrôle d’un agent extérieur sur la per- sonne. L’accent mis sur le « statut de patient » (patienthood) (Gell, 1998) en tant que caractéristique constitutive de la transe, bien qu’elle puisse s’avérer fluide et fuyante, attire l’attention sur les différents phénomènes qui déclenchent, façonnent et articulent les expériences et les discours liés aux frontières et à la perméabilité du sujet.

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