Transe | Zillinger, Martin

Transe 1468 la transe sans passer par les expressions occidentales de l’extase et de la possession, qui ont affecté la représentation de la transe dans les sociétés du monde entier ? Inspirés par les travaux des classicistes du xix e siècle, des érudits, artistes et intellectuels d’Europe du Nord-Ouest se sont rendus dans des régions rurales et sur le pourtour méditerranéen afin d’explorer le monde étrange et mysté- rieux de la mythologie comparative in situ . À la fin du xix e siècle, avec le tra- vail d’Andrew Lang et de James Frazer, la comparaison « ethnographique » de rituels « sauvages » et de coutumes paysannes est devenue la nouvelle méthode anthropologique des études du folklore. Ces auteurs partageaient une fascina- tion pour les cultes à mystères de l’Antiquité tardive avec des auteurs influents tels que Creuzer, Nietzsche et Rohde. L’imagination du public européen a aussi été influencée par la représentation picturale des pratiques de transe et des rituels de possession méditerranéens par des artistes européens (Delacroix), par des séances de transe de tradition nord-africaine exécutées lors d’expositions inter- nationales et par le déclenchement de symptômes hystériques par Charcot chez des patients féminins à la Salpêtrière, fortement évocateurs des postures exta- tiques figurées dans l’art classique. Certains des premiers ethnographes – comme E. Doutté, B. Schmidt ou A. Tremearne – ont vu dans des rituels et coutumes locaux des survivances des religions méditerranéennes préchrétiennes et préislamiques, supposées axées autour de cycles de la végétation et de la vie d’une divinité qui mourait et renaissait. De nombreuses descriptions de « fêtes orgiaques » dans et hors du bassin méditerranéen ont été influencées par les recherches sur la culture de la Grèce antique. Inversement, les descriptions ethnographiques des rituels de transe ont également influé sur les reconstitutions d’une « religion diony- sienne » (Jeanmaire, 1951). La tentative par Warburg d’élaborer une « formule du pathos », en tant que catégorie universellement valide, ressort du cercle her- méneutique susmentionné (Warburg, 1988), tandis que le travail d’Ernesto De Martino (1961) sur la « crise de la présence » doit encore être discuté en tant que conceptualisation alternative de la transe dans les études méditerranéennes. Des historiens ont tenté de relier la transe telle qu’elle est connue sur les rives nord de la Méditerranée à un « chamanisme eurasiatique » (Ginzburg, 1989) tandis que des ethnographes historiquement éclairés ont souligné – de manière bien plus plausible – les liens entre les pratiques de transe des pays du Sud de la Méditerranée et la « possession par des esprits » subsaharienne (Paques, 1991). Dans ces travaux comme dans d’autres, le bassin méditerranéen est considéré comme une zone frontière. Pour aborder autrement l’histoire méditerranéenne de la transe, il conviendrait de souligner tant les connexions que les ruptures qui existent entre les religions et les diverses pratiques religieuses et sociales localisées géographiquement de part et d’autre de la Méditerranée (Hauschild et al. , 2005).

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