Terrasses | Lazarev, Grigori

Terrasses 1443 lorsque des canaux d’irrigation apportent l’eau aux champs terrassés. Les règles sociales qui permettent au système d’ensemble de fonctionner dans le Haut-Atlas marocain fait dire à Jacques Berque (1955) que l’on est en présence d’une véri- table « orchestration parcellaire » . L’agriculture en terrasse apparaît ainsi comme une nécessaire synthèse entre l’individuel familial et le collectif communautaire. Toutes les analyses, qu’elles s’appliquent aux terrasses des Cévennes, de Corse, de Grèce, du Maghreb ou d’ailleurs, confirment qu’à l’époque où ces systèmes fonctionnaient (ou bien là où ils fonctionnent encore) ce fondement social était généralisé. Les terrasses d’agriculture pluviale du Nord de la Méditerranée ont été, pour la plupart, abandonnées dans la première moitié du xx e siècle. En Provence, où elles prennent le nom de « restanques » ou de « bancaou », on pense qu’elles ont occupé l’espace agricole aux xi e -xii e siècles, coïncidant avec la grande période de défrichements et d’expansion de l’agriculture. Leur exploitation a cependant connu des périodes d’abandon lors de contractions démographiques dues aux guerres ou aux grandes épidémies (par exemple, lors de la grande peste de 1358). Le xix e siècle a été celui de leur dernier apogée. Les terrasses portaient des cultures de céréales, des plantations d’oliviers et de la vigne. Certaines d’entre elles ont été, au xx e siècle, réhabilitées et réutilisées par une agriculture mécanisée. C’est le cas, par exemple, du vignoble varois, de Cassis, de Bandol. Mais la plupart des terrasses provençales ont été conquises par des forêts de pins ou par le maquis. La technopole de Sophia Antipolis est édifiée au milieu des pins qui ont recou- vert les terrasses encore bien visibles. Les Cévennes ont été occupées au Néolithique, et des constructions en pierres sèches semblent dater de cette époque. Au début du xvii e siècle, l’agronome Olivier de Serres évoquait des constructions en terrasses dans cette région. Mais la grande époque d’occupation agricole et de constructions de terrasses, appelées faïsses ou bancats dans les Cévennes, se situe au xviii e siècle avec le développement de la châtaigneraie et, au xix e siècle, avec celui du mûrier. Ces aménagements étaient complétés par des ouvrages de correction des torrents et par des ouvrages hydrauliques permettant une petite irrigation ainsi que le fonctionnement des moulins (Martin, 2006). Le déclin de la culture du mûrier, conjugué avec l’exode rural du xx e siècle, explique la déprise agricole et l’abandon des terrasses qui sont, aujourd’hui, recouvertes par la forêt. On trouve également de nombreux bassins versants aménagés en terrasses dans les Pyrénées espagnoles où on les désigne par le terme bancales ( Méditerranée , 1990). Celles de Ligurie, en Italie, sont très anciennes. Elles sont aujourd’hui abandonnées dans de nombreux hauts ver- sants mais sont par contre restées étonnamment vivaces dans les versants du lit- toral où elles portent des plantations d’oliviers, des cultures sous serre et de la vigne. L’endroit le plus emblématique, à cet égard, est celui des Cinque Terre,

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