Terrasses | Lazarev, Grigori

Terrasses 1442 de l’eau est fondamentalement la même dans les deux types de terrasses. Ne les distinguent que la quantité et la régularité de la ressource hydrique, aléatoire et occasionnelle dans le type pluvial et plus ou moins pérenne dans le type irrigué. La culture hydraulique, qui à un certain point a conduit à l’édification de ter- rasses, est en fait une grande généralité dans le bassin méditerranéen. Sur les ver- sants du Maghreb, elle se manifeste souvent par de simples cordons de pierres, disposés en lignes décalées pour ralentir les écoulements en nappes. Ce sont, par exemple, les maider des versants sahariens de l’Atlas marocain ou les aménage- ments de cordons pierreux de nombreux bassins versants du Sous, toujours au Maroc. Dans d’autres cas, l’eau est mobilisée par des dérivations de crues. Le Tafilalet était essentiellement irrigué par des barrages qui, selon le modèle yémé- nite, dérivaient les crues dans des canaux échelonnés d’amont en aval. Le Nord de la Méditerranée connaissait également cette technique. À Nyons, en Drôme provençale, des canaux captaient les écoulements occasionnels des petits tribu- taires de l’Aigue pour divertir les eaux vers des champs en aval. La technologie ne se stabilisait que lorsqu’on disposait de ressources en eau permanentes, mais là encore elle s’appliquait avec une gradation, les terres les plus en aval ne rece- vant souvent que l’équivalent des eaux de crues. Le droit coutumier musulman, du Yémen au Maghreb, donnait toujours une priorité à l’amont sur l’aval, une situation qui pouvait être gérée car l’amont dispose, en général, de plus d’eau que de terres. La construction de terrasses est une particularité technologique de cette culture hydraulique de la Méditerranée. On en associe souvent l’origine aux pratiques de l’épierrage des champs. Les sols de versants en Méditerranée, après les premiers défrichements, associent la terre et la pierre. Le travail sécu- laire de l’épierrage déplace les pierres sur le pourtour du champ mais surtout vers l’aval où elles contribuent à retenir les terres emportées par l’érosion. La confection de murs en pierres sèches en fut progressivement le complément. L’antiquité de cette technique plonge dans des racines lointaines. Dans l’ Odyssée , Homère y fait allusion (Price et Nixon, 2005) et l’archéologie contemporaine la retrouve aux iv e -v e siècles dans l’île de Délos (Brunet, 1990), en Ligurie ou dans les sites anciens du Liban (Lewis, 1953) et d’Israël (Ron, 1966). Rolland (1938) en identifie quelques-unes en aval de l’oppidum gréco-ligure de Saint-Blaise dans le Var. Le champ terrassé résulte d’un investissement familial mais le système que forme l’ensemble des champs d’un même bassin versant n’est assuré de durabi- lité que dans le cadre d’une organisation collective. Il faut en effet que le système de drainage ait une cohérence d’ensemble ; le mauvais entretien d’une terrasse menace la stabilité de toutes les terrasses en aval ; il faut en outre organiser des servitudes de passage. L’organisation collective est encore plus contraignante

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