Stéréotypes | Driessen, Henk

Stéréotypes 1404 On reconnaît ici l’opposition entre chaud et froid souvent évoquée par les habi- tants des régions méditerranéennes pour expliquer les différences culturelles entre l’Europe occidentale et la Méditerranée, notamment en ce qui concerne la sociabilité et l’hospitalité. Les autostéréotypes sont, en effet, une pratique assez répandue parmi les populations méditerranéennes ; ils contrebalancent même parfois les stéréotypes venant du Nord. Croire qu’il y a un fond de vérité dans les stéréotypes est en soi un cliché très répandu, comme le montre l’un des stéréotypes les plus communs, selon lequel la Méditerranée serait le berceau de la civilisation occidentale. L’ uomo medi- terraneo est le sujet d’autres stéréotypes : la dolce vita et le farniente italiens, la procrastination espagnole (mañana mañana) et l’attitude Inch’ Allah des pays arabes. Autrement dit, l’homme des régions méditerranéennes serait très décon- tracté en ce qui concerne le travail, se complairait dans l’oisiveté, vivrait au jour le jour et aurait une tendance au fatalisme. D’autres traits sont souvent prêtés aux « Méditerranéens » : attachement très fort au clan et à la famille, hospitalité chaleu- reuse, sensualité (le Latin lover ), spontanéité, naturel séducteur explosif et violent. Les gens du Sud sont souvent accusés de corruption par ceux du Nord. Lors de la crise financière qui a frappé l’Union européenne, à la fin des années 2000, les politiciens, économistes et journalistes d’Europe de l’Ouest ont tourné en ridicule des pays comme l’Espagne, l’Italie et la Grèce, les affublant du surnom de garlic belt (« mangeurs d’ail »). Le fait de désigner plus de 450 millions d’ha- bitants par des qualificatifs souvent péjoratifs suggère une unité et une homo- généité régionale pour laquelle il manque des fondements empiriques solides. Les guides, les lettres et les récits de voyage constituent des sources précieuses pour l’étude des stéréotypes. Dans ces écrits, on retrouve souvent un mélange de faits réels observés et une projection de fantasmes, de fascination, de peur et d’aversion. Par exemple, à l’époque victorienne puis édouardienne, certains voyageurs qui visitaient les pays méditerranéens trouvaient que les gens simples faisaient preuve de raffinement, de respect envers la loi, de tact et de sobriété. Leur jovialité leur rappelait l’enfance dans tout ce qu’elle a de plus touchant. En même temps, les Grecs étaient perçus comme étant menteurs et perfides ; les Arabes comme paresseux, vils et amateurs des plaisirs de la chair ; les Italiens des villes comme frivoles, vicieux et intrigants, tandis que les Italiens des cam- pagnes étaient vus comme fourbes et impudents. Tous ces traits de caractère supposés innés étaient interchangeables entre les différentes populations médi- terranéennes. Les voyageurs voyaient dans la pauvreté, qui touchait la plupart des populations, la preuve de leur paresse. Les Britanniques étaient révoltés par des pratiques qu’ils considéraient comme cruelles envers les animaux et qui attestaient, selon eux, la dépravation méditerranéenne. À la lecture de leurs car- nets de voyage, il est évident que les Britanniques ressentaient une supériorité

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