Sphère publique | Kerrou, Mohamed

Sphère publique 1400 juridique, sociale et politique. Pourtant, l’État postcolonial, de type moderni- sateur, conjugué au féminisme militant, a permis de changer sensiblement la condition des femmes et de promouvoir leur mobilité socioprofessionnelle. L’accès aux postes de commande, économiques et politiques, a bouleversé la donne aussi bien au niveau privé que public, et ce, par la mise en perspective d’une autre politique du genre axée sur de nouveaux rapports hommes/femmes. À ce titre, il y aurait lieu de dépasser la vision dichotomique d’une sphère pri- vée ou domestique qui serait séparée et opposée à la sphère publique ou poli- tique. L’interférence croissante entre les deux sphères et l’ensemble des niveaux de la société témoigne d’une complexité du social que les sciences sociales redé- couvrent à la lumière des acquis de la science moderne et des restructurations du lien social et politique. Parmi ces restructurations, il y aurait lieu de prendre en considération les rapports ambivalents entre le politique et le religieux. Des lieux communs, pro- fondément ancrés dans les esprits et véhiculés sans cesse par les médias au point qu’ils sont devenus des dogmes, voudraient que l’islam soit la religion de la non-­ séparation entre les deux instances et que la laïcité soit l’unique mode de réso- lution du conflit qui en résulterait. Il est vrai qu’actuellement la présence de l’islam dans l’espace public jouit d’une forte visibilité qui demande à être inter- rogée du point de vue de la légitimité démocratique. Les prières collectives effec- tuées le vendredi, en dehors des mosquées, témoignent de la nécessité de trouver une solution à la question des lieux de culte mais également du rapport de Soi à l’Autre ainsi que du rapport de la foi personnelle à la raison publique. En tout cas, la présence du religieux dans l’espace public ne concerne pas seulement l’is- lam mais s’étend aux autres religions monothéistes tout en mettant en exergue la question des mouvements politico-religieux, d’inspiration orthodoxe ou fonda- mentaliste. Pour sa part, l’islamisme apparaît de plus en plus comme un ensemble de mouvements politiques tiraillés, dans un contexte de globalisation, entre la volonté de mutation vers un modèle « turc » modéré du genre akp et un modèle de repli sectaire incarné par le salafisme politique et jihadiste. Reste que la « sphère publique religieuse » qui se trouve, de nos jours, revigorée par les quêtes identitaires est elle-même objet d’un travail de sécularisation avec ce qu’un tel processus impose comme perte de l’emprise symbolique du religieux sur les individus et les institutions. À ce titre, la laïcité apparaît comme une doctrine de séparation entre l’État et la religion dominée par le conflit comme c’est le cas en France et en Turquie avec les affaires du voile islamique. En revanche, la sécu- larisation telle qu’elle émerge des expériences historiques anglo-saxonnes, voire des expériences musulmanes où le religieux se trouve dominé par le politique, semble mieux répondre au défi normatif de la recherche du sens de l’existence et du défi politique de la coexistence des contraires. Il est vrai toutefois qu’une

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