Sphère publique | Kerrou, Mohamed

Sphère publique 1401 laïcité ouverte et apaisée se veut une alternative aux choix extrêmes, d’autant plus que la laïcisation et la sécularisation constituent des actions similaires et décisives en vue de l’accomplissement de la rationalisation et de la modernité. La pluralité des sphères publiques et le dynamisme dont jouit actuellement la sphère religieuse invitent à repenser à la fois la laïcité et la sécularisation, en les reformulant en fonction du statut de la religion qui n’est plus à considé- rer comme une affaire privée mais comme une question publique. À ce titre Habermas propose un double effort d’adaptation délibérative : une intégration de la religion et de la spiritualité dans l’histoire des expériences démocratiques et un ajustement des pratiques et des croyances religieuses aux institutions poli- tiques modernes, via leur traduction en langages laïques, rationnels et universels. Dans nombre de sociétés, la question des femmes s’est posée en relation avec les représentations de la religion et de la tradition, mais également en rapport organique avec la problématique des droits de l’homme. À cet égard, le fémi- nisme s’est constitué, au sud de la Méditerranée, dans le sillage des luttes pour la reconnaissance des différences et en relation avec les autres mouvements sociaux, en particulier les organisations syndicales et les associations indépendantes. C’est au cours du dernier quart du xx e siècle que les femmes, qui commencèrent à émerger en tant que sujets de l’histoire dans l’entre-deux-guerres, ont investi l’espace public en mettant en avant leurs exigences d’égalité et de citoyenneté. De la sorte, les contours de la nouvelle sphère publique démocratique expri- ment la tendance historique de distinction entre l’État-nation en crise et la société civile en expansion. Enfin, les nouveaux médias qui ont connu, à l’orée du xxi e siècle, un déve- loppement spectaculaire sont en train de changer la configuration des sphères publiques, en propulsant de nouvelles modalités de l’information et de la commu­ nication. Aussi, de nouvelles sociabilités et de nouveaux liens politiques sont-ils rendus possibles par l’interconnexion entre les techniques numériques et les réseaux sociaux. En recourant à des formes inédites de contestation telles que les flash mobs , les acteurs de la société civile s’approprient des espaces de liberté et se dotent du pouvoir de contourner la censure et de dénoncer la mainmise de l’État sur les médias traditionnels. La diffusion instantanée de l’information par l’intermédiaire des chaînes satellitaires permet de désenclaver le local et de le relier au global, en donnant la parole aux « sans-voix » marginalisés par le sys- tème national. Dans le même sillage, le rôle joué par le réseau social Facebook et le réseau de microblogage Twitter, utilement relayés par les services de la chaîne de télévision satellitaire al-Jazeera, fut et demeure décisif dans la réalisation des révolutions arabes qui inaugurent un cycle historique à la fois prometteur pour l’avenir et délicat à mener à terme.

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