Sept Dormants | Pénicaud, Manoël

Sept Dormants 1383 Muhammad recommandait de réciter chaque vendredi selon plusieurs hadiths. Si la version islamique de la légende est moins détaillée et circonstanciée que la ver- sion chrétienne, la finalité reste identique : témoigner de la résurrection des corps. La dimension eschatologique est telle que l’islamologue Louis Massignon (2009) considéra en 1950 ce récit comme l’« Apocalypse de l’islam ». Ces Gens de la Caverne ont un statut particulier puisqu’ils sont les seuls à avoir ressuscité avant le Jugement et parce que le Coran (XVIII, 21) mentionne un sanctuaire ( masjid , « mosquée ») bâti sur leurs sépultures, alors que le culte des saints est prohibé par l’orthodoxie islamique. Selon certaines traditions, cette caverne est même le lieu où retentira le premier appel du Jugement dernier, et ces saints seront placés à l’avant-garde du Messie lors de la prise finale de Jérusalem. Dans le texte coranique, les Dormants sont tantôt trois, tantôt cinq ou sept, mais toujours gardés par un chien mystérieux, traditionnellement appelé Qitmir , tandis que leur divin sommeil dure 309 années lunaires (300 solaires). Par ail- leurs, il est important de souligner que l’origine chrétienne n’est pas mentionnée et que les Compagnons de la Caverne étaient déjà musulmans, au sens fort du terme, avant même la révélation du prophète Mohamed. En outre, le miracle est déterritorialisé, si bien que sa propagation, au fur et à mesure des conquêtes isla- miques, a permis l’identification de nombreuses cavernes comme étant la grotte originelle. Cela a favorisé la multiplication de variantes locales. Sur le plan géographique, le mythe des Dormants a essaimé sur tout le pour- tour méditerranéen, en Turquie (Éphèse, Istanbul, AfŞin, Cappadoce, Tarsus, Diyarbakır), au Liban, à Damas, à Amman, au Caire, en Tunisie (Chenini, Gora), en Algérie (Guidjel, Alger, Aurès), au Maroc (Séfrou, Rabat), en Espagne (Gandie, Grenade), à Marseille, à Rome et en Grèce notamment. Au cours des siècles, le miracle a été amplement commenté aussi bien du côté chrétien que du côté musulman, mais sans que l’on cherche à comparer les diffé- rentes versions. Si certains auteurs se sont clairement positionnés contre la réa- lité du miracle en n’y voyant qu’une fiction littéraire, d’autres se sont montrés moins sceptiques en admettant la possibilité d’un fondement historique à cette tradition, à travers l’invention de corps extrêmement bien conservés. Mais c’est l’orientaliste Louis Massignon (1883‑1962) qui va littéralement « réveiller » les Sept Dormants au milieu du xx e siècle pour servir son idéal de réconciliation islamo-chrétienne. En s’emparant de ce thème, ce professeur au Collège de France va déployer toutes les sources existantes, chrétiennes et musulmanes, d’où découlent une série de publications scientifiques en collabo- ration avec plusieurs chercheurs dont Émile Dermenghem et Suheyl Unver. Mais Massignon est d’abord un chrétien (secrètement ordonné prêtre catho- lique melchite en 1950) qui a dédié sa vie à la reconnaissance et à la compréhen- sion de l’islam. Ainsi élabore-t‑il un vaste projet systémique visant à rassembler

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