Sel | Hocquet, Jean-Claude

Sel 1380 du Nord de l’Europe avides de soleil. Le salin d’Aigues-Mortes est aujourd’hui enserré entre les ports de plaisance de Port-Camargue et de La Grande-Motte. Même celui de Margherita di Savoia dans les Pouilles (Italie), le plus vaste salin d’Europe, qui produit 1 Mt/an, est l’objet d’une spéculation effrénée des pro- moteurs qui convoitent son vaste lido. En Espagne, le littoral andalou et celui du Levant autrefois constellés de salines ont perdu tout leur patrimoine salin à l’exception de Torrevieja dont les eaux sont enrichies par des « saumoducs » ou pipelines qui y déversent les saumures continentales puisées pour faire place à des cavités-réservoirs de gaz naturel ou d’hydrocarbures, à l’instar de ce qui est réalisé en France dans l’étang de Lavalduc. L’autre concurrence affrontée par l’activité méditerranéenne vient des salines implantées sur les rivages des pays tropicaux désertiques, la Basse-Californie mexicaine, le Nordeste du Brésil, les rivages septentrionaux de l’Australie, lesquels sont pourvus d’immenses salins capables de produire de 7 à 10 Mt/an et d’alimenter le commerce transocéa- nique du sel vers les destinations déficitaires, le Japon, la Scandinavie, les pays de la côte est de l’Amérique du Nord. Les salins maritimes, quel que soit le lieu où ils se trouvent, doivent également compter avec la production de sel gemme continental, extraordinairement abondant. Sur les rivages méditerranéens, seule la Tunisie, qui dispose d’une côte orientale lagunaire, est encore capable d’ali- menter des courants internationaux de trafic vers le Japon ou les États-Unis. Tous ces changements, qui ont intégré le sel dans l’économie mondialisée, ont gravement altéré ce qui faisait jadis la difficulté du labeur, mais aussi la poé- sie du salin dont on aura encore une idée en visitant les salines de Piran en Istrie (Slovénie), qui ont réussi à conserver une main-d’œuvre mixte et nombreuse sur un salin pourtant modernisé. Ailleurs, on s’est efforcé de réduire le nombre des travailleurs en privilégiant des modes de production qui répondent à une demande immédiate : des pelles mécaniques prennent le sel directement sur le cristallisoir où s’empilent les récoltes annuelles successives (méthode du « sel sur sel » où le sel de l’année cristallise sur le sel de l’année précédente), le chargent dans des camions, tandis que des hydrovores (gigantesques pompes) puisent l’eau en mer pour alimenter les bassins de première évaporation. De ce paysage contemporain l’homme est absent, son savoir-faire ancestral a disparu aussi. Seul subsiste du matériel rapidement obsolète qui achève de rouiller sur place. Jean-Claude Hocquet ➤➤ Alimentation, climat, contrebande, désert, eau (ressources et usages), échanges commerciaux, épices, fromage, îles, industrialisation, littoral, mer, montagne, navigation, olivier, tourisme, vent

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=