Sel | Hocquet, Jean-Claude

Sel 1379 La révolution industrielle, qui fut aussi révolution des transports, a boule- versé les conditions de production et la géographie des salins. Elle a introduit la mécanisation et les machines sur les salins et a diversifié et étendu les débou- chés. Jusqu’alors l’activité était confiée à des métayers sur de petites exploitations familiales ou à des troupes de travailleurs saisonniers. Ces derniers affluaient des montagnes pauvres du pourtour méditerranéen pour récolter le sel avant de trouver une embauche dans les vignobles pour les vendanges qui suivaient la saunaison achevée fin août. Cette industrie de main-d’œuvre a fait place aux machines ; il a donc fallu agrandir les exploitations et fermer celles qui ne pou- vaient répondre à cette exigence. Les propriétaires des salins sont entrés dans des compagnies (en France, la Compagnie des Salins du Midi ; en Italie, le mono- pole d’État gérait les sels et les tabacs) qui négociaient des tarifs avantageux avec les compagnies de chemin de fer. Le sel a alors cessé de voyager par les voies navigables – remonter le Rhône avait mobilisé durant des siècles de nombreuses compagnies d’hommes et de chevaux et animé chacune des bourgades établies sur ses rives – et à partir du milieu du xix e siècle, il a emprunté le rail dont les compagnies propriétaires lui consentirent des tarifs favorables. Mais la révolution industrielle lui a aussi apporté de nouveaux débouchés. Les savants Leblanc puis Solvay ont découvert le procédé de fabrication de la soude, le premier à partir du sel cristallisé, le second à partir de la saumure, tandis que le xx e siècle décou- vrait toutes les propriétés du chlore et des chlorures et a transformé le sel en la matière première essentielle de la chimie minérale. Dans le même temps, le sel perdait une de ses fonctions jadis décisives et cédait la place au froid et aux fri- gorifiques pour la conservation des produits alimentaires. Inversement, le froid météorologique, neige ou verglas, aide à résorber les excédents invendus déva- lorisés en sel de déneigement. En France méditerranéenne, seuls subsistent aujourd’hui trois salins, d’ouest en est : à Gruissan (près de Narbonne), à Aigues-Mortes et Salin-de-Giraud (tous deux en Camargue). La pollution des eaux a condamné à la fermeture les salins de l’étang de Berre et ceux situés à l’est de Cagliari (Sardaigne). Toutes les autres salines du Midi français ont fermé, y compris le vieux salin d’Hyères ; les deux salines camarguaises ont un rôle complémentaire : Aigues-Mortes fournit un sel alimentaire (sous la marque commerciale La Baleine) ; Salin-de-Giraud, qui produisait un sel beaucoup plus pur pour répondre aux besoins de l’industrie électrochimique, était desservi par son isolement et par la nécessité de traverser le Grand-Rhône sur des péniches avant d’être chargé sur les trains. Aujourd’hui la désindustrialisation condamne le site à ne plus faire que du sel de déneigement. Ce n’est qu’une des difficultés rencontrées par l’industrie du sel. En effet, elle se heurte aussi à la concurrence de l’industrie touristique qui convoite ces vastes éten- dues plates du littoral pour y installer hôtels et marinas et attirer les populations

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