Sel | Hocquet, Jean-Claude

Sel 1377 la Crète, Chypre, Lesvos, l’Eubée, Corfou, Leucade, Zante, ou encore Pago en Dalmatie). L’Italie prolongée par l’arc alpin et les cantons helvétiques était la seule région géographique qui ne suffisait pas à ses besoins. Comme les îles n’avaient pas une population très nombreuse à ravitailler, leurs salins dispo- saient d’excédents abondants, à la différence des salins adossés au continent qui fournissaient directement au vaste arrière-pays. Les grands courants de trafic du sel durant le Moyen Âge ont relié les îles productrices, Chypre, la Crète, les îles Ioniennes, la Sicile, la Sardaigne et Eivissa, aux grands ports de la pénin- sule Italienne, Gênes, Naples, Ancône et Venise, ou encore, en marge sur la côte balkanique, Raguse/Dubrovnik. Quelques zones périphériques comme la lagune d’Alexandrie et celles de Tripolitaine (Zarzis, Ra’s al-Makhbaz), les lacs salés de Crimée et de la côte andalouse (La Mata-Torrevieja), étaient aussi mises à contribution. La variété des approvisionnements était indispensable aux ports importateurs car les conditions techniques de l’époque limitaient la production des salins les plus productifs aux environs de 20 000 tonnes métriques, ce qui fournissait du fret à une quarantaine de gros voiliers. Le terme « fret » est du reste impropre quand il s’agit du plus gros importateur, Venise, car le pesant sel y fournissait le lest indispensable à ses gros vaisseaux qui chargeaient en Orient des marchandises légères et volumineuses, les textiles (lin et coton), les épices, les grains, la cire et les fourrures venues de Russie. Dans la plupart des États chrétiens (l’Islam n’a pas adopté la même politique) de l’Europe méditerranéenne (royaumes de France, d’Aragon, de Castille, de Naples, État pontifical, républiques maritimes italiennes), le commerce du sel était géré en monopole selon des modalités diverses et le pouvoir politique pré- levait de lourdes taxes sur la vente et la consommation du sel. L’État, le seigneur féodal ou la commune étaient censés être le seul vendeur, même si la perception de la taxe était affermée aux enchères à des compagnies de fermiers adjudicataires qui lui avançaient le montant de l’impôt et lui consentaient donc un crédit. La taxation encourageait la fraude et la contrebande : se procurer un sel hors taxe diminuait la recette de l’État et des fermiers qui refusaient de diminuer le mon- tant de l’impôt et ne voyaient de solution que dans la surveillance renforcée des salines et de la production ou du transport du sel. La solution était coûteuse. Il fallait rémunérer la main-d’œuvre affectée aux récoltes, à l’entretien du salin ou encore au transport, et payer les gardes chargés de la surveillance. Dès la fin du Moyen Âge, on trouva plus expédient de fermer et de détruire les petites salines difficiles à surveiller qui fournissaient une consommation domestique ou du sel de pêche pour la salaison du poisson pêché dans les eaux locales et, accessoire- ment, quelque exportation plus lointaine. Venise a expérimenté cette politique dans la plupart des salines de ses domaines de Dalmatie, sur le continent et dans les îles de l’archipel de Zadar (Croatie) ou en Crète, pour concentrer et favoriser

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