Ruralité | Durbiano, Claudine

Ruralité 1356 Des montagnes agro-sylvo-pastorales, réservoirs d’eau pour les plaines Les montagnes, longtemps refuge pour les populations face aux envahisseurs et aux persécutions (Kabylie, Rif, Cévennes, Mont-Liban), sont des arrière-pays frappés le plus souvent par la marginalité sociale et économique, l’exode vers les grandes villes et l’émigration vers les pays du Nord. Elles recèlent des ressources naturelles qui concourent à la richesse des bas pays. Elles sont le conservatoire des traditions et de la biodiversité. Domaine de la forêt, celle-ci y est désormais restreinte et fortement dégra- dée en raison d’une exploitation très ancienne, voire d’une surexploitation (charpente, pâturage avec écobuage, charbon de bois…) tant aux altitudes les plus élevées, avec le pin sylvestre et les cèdres (Atlas marocain, Mont-Liban), qu’à basse altitude avec les chênes (chêne vert ou chêne-liège, chêne kermès) et les conifères (pin d’Alep). La matorralisation a progressé sur des sols dégradés. Depuis plus d’un siècle, sur la rive septentrionale, une politique de reboisement a été menée (Restauration des terrains en montagne [ rtm ] dans les Alpes du Sud) mais la progression de la forêt est d’abord due au reboisement spontané en raison de la déprise agricole et pastorale. En revanche, sur la rive méridionale, l’aridité plus sévère, la pression anthropique encore soutenue et les aléas poli- tiques rendent les conditions du reboisement beaucoup plus difficiles, comme l’illustre le « barrage vert » algérien prévu pour 3 millions d’hectares dans les années 1970 et encore inachevé. Les montagnes sont des châteaux d’eau dont dépend la fertilité des plaines. Les khettaras traditionnelles, qui drainent les eaux souterraines des piémonts et les canaux de dérivation ancestraux, sont désormais supplantées par les nouveaux périmètres d’irrigation grâce à une politique de grands barrages qui mobilisent les eaux de surface (Turquie avec les hautes vallées du Tigre et de l’Euphrate, Maroc, Espagne…). L’eau, ressource la plus convoitée, mobilise les investisse- ments les plus importants. L’aménagement hydraulique va de pair avec le reboi- sement et la lutte contre l’érosion pour limiter le comblement des barrages, comme en témoigne le « Plan d’aménagement des bassins versants » au Maroc. Les parcours (saltus) montagnards, particulièrement étendus sur les rives méridionales et orientales, permettent un élevage extensif de moutons et de chèvres en complémentarité avec les plaines dans le cadre de la transhumance. Depuis les années 1960, le nombre des exploitations pastorales a été réduit de façon drastique par sédentarisation, mettant un terme à la coexistence tradi- tionnelle de deux sociétés rurales, les pasteurs et les cultivateurs. Les pasteurs nomades du plateau anatolien, du Taurus, des montagnes atlasiques et des

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