Reclus, Élisée | Cattedra, Raffaele

Reclus, Élisée 1338 Reclus ». Même les géographes marxistes l’oublient jusqu’aux années 1980, avec le paradoxe que nombre de thèmes ou d’approches que ces derniers estimaient avoir été parmi les premiers à aborder (c’est-à-dire l’écologie, la géopolitique, la géographie sociale, culturelle ou urbaine) avaient déjà trouvé comme précurseur Élisée Reclus à la fin du xix e siècle (ibid.) . Rappelons également que dans le sil- lon de sa redécouverte fut fondé en 1984, à l’initiative de Roger Brunet, le Groupement d’intérêt public Reclus ( gip Reclus), intégré ensuite dans la Maison de la géographie de Montpellier. C’est la mer en tant que telle qui constitue l’élément fondateur du regard reclusien sur la Méditerranée, à travers quatre principes clés, combinés entre eux, que l’on peut ainsi identifier : la dimension maritime ; le rôle des îles ; la représentation de cette mer tel un vecteur permettant d’en dégager une vision unitaire ; la Méditerranée comme productrice de civilisation, en y incluant le rôle des villes (Cattedra, 2009). En rupture avec le passé et en renouvelant les protocoles de description géo- graphique, Reclus établit une vision globale et intégrée de la Méditerranée : celle d’une mer qui est en étroite relation avec son environnement ; celle d’une mer qu’« il importe de décrire comme les terres émergées que l’homme habite » ( ngu , I, p. 33), alors même que chez les vidaliens le monde méditerranéen sera encore un monde terrien (Deprest, 2002, p. 86) ; celle d’une mer qui n’est plus espace de séparation, comme dans la Géographie universelle de C. Malte-Brun (1810‑1829, complétée par son fils dans sa réédition de 1851‑1854), mais une « mer de jonction ». Mer de jonction entre trois continents – l’Europe, l’Asie, l’Afrique – et, surtout, entre les trois peuplements ou civilisations majeurs qui y prennent origine : les Aryens, les Sémites et les Berbères. C’est ainsi que chez Reclus la Méditerranée s’humanise et se personnifie, devenant l’« axe de la civi- lisation » ; elle s’incarne de la sorte en « grand agent médiateur qui modère les climats de toutes les contrées riveraines et en facilite ainsi l’accès, […] qui met les peuples en rapport les uns avec les autres », et sans laquelle « nous tous Européens nous serions restés dans la barbarie primitive » ( ngu , I, p. 33). En commençant par « la forme et les eaux du bassin », Reclus décrit les divi- sions et les articulations des mers internes et des détroits de la Méditerranée. Il effectue une observation des diverses mesures marines : étendue, profondeurs, oscillations des marées, courants, évaporation, salinité, température, et il le fait avec son propre style, voué à la vulgarisation, soutenu par un registre allégorique, voire lyrique. Un rôle essentiel « pour le développement du commerce et de la navigation chez les peuples enfants » ( La Terre , II, p. 651) est attribué aux îles, archipels, presqu’îles et péninsules. Proposant une vision « nidificatrice » de la Méditerranée, celle de « l’oisillon, timide encore, [qui] s’élance de son nid vers la branche la plus voisine » (ibid.) , Reclus joue sur la métaphore organiciste, de

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