« Race » méditerranéenne | Degioanni, Anna; Goude, Gwenaëlle

« Race » méditerranéenne 1332 anciennes (âge de la pierre = brachycéphale ; âge du bronze = introduction d’éléments morphologiques aryens dolichocéphales). Pour Retzius, la dolicho- céphalie est un caractère de « supériorité ». Or cette théorie n’est pas admise par Paul Broca parce que, ironie du sort, beaucoup de Français, dont d’éminents personnages, étaient eux-mêmes brachycéphales, et certaines populations considérées comme « primitives » (Cro-Magnon, Africains, etc.) présentent une dolichocéphalie. Cette terminologie a pourtant eu un franc succès dans la « classification raciale ». Par une « pirouette d’anatomiste » (combinaison de l’ ic et de la capacité crânienne), Broca propose alors une différenciation entre une dolichocéphalie qui résulte de l’allongement de l’arrière du crâne, mais réduit la capacité crânienne, et une brachycéphalie résultant d’un élargissement du crâne (et sous-entendu de son contenu…) (Gould, 1997). Entre la seconde moitié du xix e et la première moitié du xx e siècle, cette sub- division, développée dans une société où les classes dirigeantes et intellectuelles étaient convaincues de sa réalité, définissait pour certains des infériorités d’ordre biologique (justifiant l’esclavage des « Noirs » par exemple), mais pour d’autres des infériorités d’ordre culturel (potentiellement réversibles par l’accès à l’« édu- cation ») (Gould, 1997). En Italie, à partir de l’unification du pays, une grande partie du système poli- tique et culturel est conditionnée par les théories du racisme scientifique et par l’eugénisme, qui aboutissent à des positions racistes « anti-méridionales ». Ce climat politique et culturel est fortement influencé par les publications du cri- minologue véronais Cesare Lombroso (dont les théories tentent de démontrer la capacité d’identifier la « nature criminelle innée » de certains individus à par- tir de leurs caractéristiques physiques, et dont les études sont concentrées parti- culièrement sur les « bandits » de l’Italie du Sud), et surtout du fondateur de la Société romaine d’anthropologie, Giuseppe Sergi, qui développa des programmes de recherche scientifique en psychologie et en anthropologie. Il étudia des fos- siles humains et travailla à la classification anthropologique en se basant sur la morphologie du crâne et, plus spécialement, la forme du visage. Ces études lui ont permis de proposer des hypothèses sur l’origine et l’évolution des peuples de la Méditerranée, en particulier sur le développement des peuples d’Italie. Dans le reste de l’Europe, après 1870‑1871, en raison du conflit franco-­ prussien, le débat sur la « race » et les fondations « ethniques » de la civilisation se multiplièrent. À partir de ce moment, des efforts sont faits pour déchiffrer « le sombre chaos de l’ethnologie primitive de l’Europe » (Reinach, 1892), à la recherche des « races » nobles, essayant de déterminer parmi les Celtes et les Germains, entre les Aryens et les peuples slaves, entre les « races » nordiques et méditerranéennes, les relations de filiation et les hiérarchies qui pouvaient légiti- mer, grâce aux résultats de la science anthropologique, les ambitions nationalistes

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