Photographie | Mégnin, Michel

Photographie 1230 l’exotisme. Portée par des motivations très diverses, la construction d’un espace photographique a d’abord été facilitée par le soutien de l’État français, mais elle s’est évidemment confrontée à la géopolitique : le déclin de l’Empire ottoman, l’émergence des nationalités, l’isolement du Maroc, la pénétration coloniale fran- çaise au Maghreb, la lutte d’influence franco-britannique au Moyen-Orient et les velléités italiennes et germaniques. Une faible part de la première produc- tion est connue mais elle définit déjà les grands axes de la géographie photogra- phique en Méditerranée. Les pionniers (1839‑1850) L’invention du daguerréotype a aussitôt inspiré à la presse méditerranéenne des commentaires enthousiastes. Les images sont uniques et les vues repro- duites dans des albums sous forme de gravures souvent réalisées directement à partir des plaques. Manuels et appareils sont rapidement accessibles, et le Catalan Ramón Alabern réalise le 10 novembre 1839 à Barcelone, tout près du port, la première photographie espagnole. À Rome, l’Anglais Alexander John Ellis parcourt la péninsule en 1840‑1841 et réunit une collection de 115 vues. Pourtant, avant même l’Italie ou l’Espagne, l’Orient est la première destination pour les daguerréotypistes. En octobre 1839, deux voyages partent de Marseille pour l’Égypte. Le Canadien Joly de Lotbinière y retrouve Horace Vernet et Goupil-Fesquet, les deux missions se dirigeant vers Alexandrie où les Français présentent, en novembre 1839, la nouvelle invention au vice-roi Méhémet Ali. Le voyage se poursuit vers Jérusalem, Damas, Baalbek et Beyrouth et arrive en février 1840 à Constantinople où l’invention de Daguerre est connue depuis le 28 octobre 1839. Ces premiers photographes de l’Orient sont équi- pés par l’opticien parisien Lerebours qui publie des Excursions daguerriennes à partir d’un fonds de 1 800 daguerréotypes. Sur 114 vues, la moitié concerne le Sud de la France et la Méditerranée avec 31 vues d’Italie et de Sardaigne, 3 de Grèce, 3 d’Espagne, 6 vues d’Égypte et de Nubie, 5 vues de Syrie, 1 de Jérusalem et 1 d’Alger. À cause de leur fonction éditoriale utilitaire, très peu de daguerréotypes sont conservés, mais au moins un ensemble retrouvé doit être mis en exergue, celui de Joseph-Philibert Girault de Prangey (1804‑1892). Dessinateur et lithographe qui a voyagé en Italie, Algérie et Espagne, Girault de Prangey s’est déjà illustré par des ouvrages sur l’architecture hispano-arabe quand il choisit d’utiliser le daguerréotype pour réaliser ses gravures. De 1842 à 1845, il gagne, depuis Rome, le Proche-­ Orient par la Grèce, l’Égypte, Constantinople et l’Asie Mineure, la Palestine, la Syrie et enfin Jérusalem (1844). Il rapporte un millier de daguerréotypes, notamment d’extraordinaires panoramas.

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