Photographie | Mégnin, Michel

Photographie 1229 en Albanie, Raad en Palestine) qui ont précédé l’élan de la photographie moderne, la révolution numérique et l’influence des réseaux sociaux : photo- graphes de Méditerranée, photographes en Méditerranée, photographes médi- terranéens, enfin. Si notre approche historique s’arrête à la photographie ancienne (1839‑1929), elle ne peut cependant ignorer le rejet ou la réappropriation (parfois sélective) de ce patrimoine, notamment par des institutions telles que la Maison de la photographie à Marrakech ou la Fondation arabe pour l’image à Beyrouth, ainsi que les stratégies contemporaines de recyclage, réappropriation ou libé- ration de stéréotypes hérités du passé : image de soi dans le regard de l’autre, miroirs renversés, « image révélée », mais aussi images interdites. L’exemple le plus étonnant reste la photographie d’un éphèbe tunisien par Rudolf Lehnert, vers 1905, diffusée en carte postale légendée « Mohamed », et reprise en Iran dans les années 1990 sur des posters qui représentent le Prophète adolescent (Centlivres et Centlivres-Demont, 2005, p. 5‑15). La construction d’un espace photographique De l’Antiquité à la Renaissance, quelques hommes de Méditerranée ont contri- bué à mettre au point la caméra optique : Aristote, Ibn al-Haitham, Vinci, Della Porta. Mais au début du xix e siècle, c’est au cœur de la société indus- trielle entre France et Angleterre qu’un cercle de bourgeois cultivés invente la photographie et en assure la diffusion auprès de ses pairs. Après les premières réussites de Nicéphore Niépce, François Arago annonce l’invention de Louis-­ Jacques-André Daguerre en 1839. Un espace photographique se construit alors en Méditerranée avec la diffusion d’une pratique exportée de France et d’Angleterre et par les voyages des pionniers. Ces derniers travaillent sur des lieux où l’écrit et la peinture ont laissé des empreintes durables. Du reste, peintres et écrivains ne sont pas insensibles au « dessin par le soleil » : Flaubert, Théophile Gautier, Lord Byron, Horace Vernet, Delacroix ou Gérôme qui, avec Ludwig Deutsch et quelques autres, utilise aussi la photographie pour ses tableaux. Cependant les pionniers s’inventent peu à peu un nouveau lan- gage, de l’inspiration documentaire la plus rigoureuse à une sensibilité plus subjective, voire artistique, le pictorialisme finissant par concurrencer la pein- ture sur son propre terrain. Si la Méditerranée a été un laboratoire privilégié pour la photographie, elle le doit à la tradition du Grand Tour et à la mode de l’orientalisme mais aussi à la révolution industrielle nord-européenne, qui sous-tend l’expansion colo- niale au moment où le romantisme succombe à la nostalgie des ruines et de

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=