Parenté | Bonte, Pierre

Parenté 1152 cette dimension cognatique, assortie d’une forte idéologie agnatique qui s’est imposée dans la plupart des sociétés méditerranéennes actuelles. Il s’est ensuivi une caractérisation de la société méditerranéenne par ce trait qui en fait à la fois une société évoluée au sens que donnent les évolutionnistes à cette qualification, eu égard à l’étape matriarcale, et bloquée, s’agissant de sa non- évolution en fonction des indicateurs de modernisation liée au processus d’indi- viduation. La famille patriarcale était envisagée durant tout le xix e siècle comme un stade d’évolution qui succède à une famille matriarcale antérieure, alors qu’un siècle plus tard les études féministes (Gender studies) , sans revenir le plus souvent sur cette idée de succession historique, concevront le patriarcat comme un trait partagé par les sociétés contemporaines, obstacle à la reconnaissance d’une « éga- lité » entre hommes et femmes dans la famille et dans d’autres institutions. Les nombreux travaux sur ce thème s’intéressent aux conditions de formation histo- rique et de développement de ces pouvoirs patriarcaux, en se référant souvent aux travaux de Friedrich Engels, à leurs manifestations dans le contexte contemporain (travail domestique et extérieur, droit, sexualité, éducation, langues, etc.), ainsi qu’aux expressions d’une crise de l’autorité patriarcale dans le contexte contempo- rain. Le terme « patriarcat », en effet, répond à des usages qui débordent le champ des sciences humaines et sociales et rendent compte de représentations et pra- tiques mettant l’accent sur des formes exclusives d’autorité masculine s’exerçant prioritairement dans la famille, mais pouvant être employées métaphoriquement, accolées à l’État, à l’entreprise, etc., pour désigner des modes d’autorité exercés sur le modèle de l’autorité paternelle. Il renvoie aussi à des images religieuses et litté- raires, celles par exemple des patriarches de l’Ancien Testament, mais aussi à des formes « traditionnelles » d’exercice du droit, celles découlant de la potestas du pater familias en particulier, dont le droit romain a laissé la trace dans nos sociétés. De cette diversité d’usage, le terme tire une certaine ambiguïté en ce qui concerne son inscription dans le champ scientifique. S’appuyant sur ses conno- tations, les orientalistes ont avancé, à la fin du xix e siècle, la notion de « famille patriarcale » pour décrire les structures familiales qu’ils identifiaient dans les sociétés anciennes du bassin méditerranéen entre autres. Cette notion apparaît en fait peu discriminante si on la caractérise par l’exercice d’une autorité mas- culine paternelle étendue sur plusieurs générations, largement répandue dans la plupart des sociétés et qui est un aspect général de la constitution des rapports de genre, qu’on les désigne par les termes « domination masculine » ou qu’on les conçoive comme une « valence différentielle des sexes ». La notion de parenté dans l’aire méditerranéenne est aussi caractérisée par la fréquence des formes de parenté « élective ». L’adoption est un sujet de droit d’une grande importance dans les mondes de l’Antiquité. Elle n’est pas reconnue sous sa forme plénière dans le droit musulman, mais celui-ci établit légalement

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