Parenté | Bonte, Pierre

Parenté 1153 une parenté de lait entre deux personnes, non parentes, allaitées par une même nourrice et en déduit des interdits matrimoniaux analogues à ceux fondés sur la consanguinité. La parenté « spirituelle », le parrainage, est même susceptible de produire des interdits de mariage dans le monde chrétien, où elle prend une dimension sacramentelle du fait de son association avec le baptême. À côté de la parenté « biologique », ces formes de parenté élective interviennent dans de nombreuses circonstances de la vie sociale, source de solidarités et d’alliances, fondant les pactes sur l’échange du sang ou du lait, organisant la vengeance et les factions politiques, définissant des réseaux économiques parfois illégaux (mafias), etc. Elles contribuent aussi à une extension des termes de parenté pour rendre compte d’autres types de relations, qu’il s’agisse du vocabulaire ecclésias- tique filial ou fraternel ou encore des « parrains » des mafias. En deçà de son organisation et de ses fonctions sociales, la parenté est toujours conçue comme le transfert de substances, telles que le sang, le sperme, le lait, ainsi que de valeurs dont elles assument la continuité intergénérationnelle. On observe déjà des représentations de cet ordre dans l’Égypte ancienne, associant alors moelle et sperme, colonne vertébrale et pénis, que l’on retrouvera dans les cultures méditerranéennes postérieures. La notion anthropologique de « consan- guinité » reste cependant la traduction de représentations occidentales ethno- centrées, qui ne se retrouvent pas à l’identique dans le monde arabo-musulman : de la racine nsb , à partir de laquelle est construit le terme désignant la relation agnatique, dérivent aussi des termes désignant les « affins » qui peuvent être des « consanguins » dans un contexte où est pratiqué le mariage entre consanguins proches. Les représentations cognatiques de ces transferts présentent néanmoins des traits communs que l’on peut faire remonter à la médecine grecque hippo- cratique qui inspirera les savoirs médicaux et biologiques arabo-musulmans puis occidentaux. Ces représentations duogénétiques de la conception et de la pro- création, faisant appel à des apports masculins et féminins dans l’établissement de la relation de parenté, sont cependant parfois contredites par des représenta- tions monogénétiques, généralement associées à une forte idéologie agnatique, que développe Aristote par exemple en Grèce ancienne, liant sang et sperme dont la coction est exclusivement masculine, les femmes ne réalisant qu’une transformation imparfaite du sang sous forme de lait. Cette contradiction ren- voie au statut ambigu de la filiation dans ces systèmes de parenté. Elle se mani- feste aussi à travers les évolutions juridiques et éthiques que connaît la parenté dans le contexte contemporain. Ces évolutions tiennent au rôle croissant du droit positif, conséquence de la globalisation qui diffuse de nouveaux modèles du statut personnel et de la famille. Leurs effets se manifestent dans les réformes juridiques engagées dans la plupart des pays musulmans dans le sens, en particulier, d’un rééquilibrage

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