Musique | Stokes, Martin

Musique 1043 contribution des musiciens juifs, arméniens, grecs et roms. Les migrations des musiciens juifs vers l’Afrique du Nord et la Turquie ottomane à la suite de la Reconquista espagnole, par exemple, ont eu des conséquences musicales impor- tantes. Les musiciens juifs demeurent essentiels dans la transmission de la musique andalouse (andalusi) , chantant l’amour courtois autour de la Méditerranée. Ces musiciens (comme Rosa Eskenazi, Isaac Algazi et Enrico Macias) ont joué un rôle important dans la circulation de plusieurs styles de musiques populaires autour de la Méditerranée. Les Arméniens ont été éparpillés autour de la Méditerranée après les massacres et les déportations perpétrés par les Ottomans en 1915. Les musiciens arméniens ont été essentiels dans la diffusion de divers styles de musique dans plusieurs pays après la période ottomane. Enfin, les Roms, en particulier, poussés à la marge de la plupart des sociétés méditerranéennes, ont eu un rôle prépondérant en tant que musiciens. Ils ont relayé les techniques, les répertoires et les styles instrumentaux à travers la Méditerranée. De nombreux efforts ont été consentis en musicologie et en ethnomusico­ logie, dans le but d’affirmer l’unité de la musique méditerranéenne. Au début du xx e siècle, pour expliquer la prédominance esthétique et historique de la tra- dition symphonique d’Europe de l’Ouest, des spécialistes allemands et d’Europe centrale ont affirmé que la musique européenne était originaire d’Europe du Nord. Ils ont suivi les principes ethnographiques de la théorie évolutionniste et des idéologies raciales de l’époque. L’« aryanisation » de l’histoire de la musique était une alternative aux racines grecques de la musique européenne, les chants juifs chantés à la synagogue servant de fil conducteur. Les études ethnographiques des pratiques musicales juives de la région méditerranéenne et de leur transmis- sion revêtaient une importance cruciale dans les travaux critiques d’un certain nombre de spécialistes comme Robert Lachmann (1892‑1939). Ses recherches sur la musique dans les communautés juives de la petite île tunisienne de Djerba ont montré l’existence de plusieurs strates historiques. Son travail a permis de voir la région méditerranéenne comme un espace d’échanges culturels fonda- mentaux et non comme une ligne de séparation entre le monde civilisé et les « Autres ». La compréhension de la région méditerranéenne s’est considérable- ment améliorée grâce aux travaux ultérieurs effectués par Lachmann en Palestine, après 1935, lorsqu’il fonda les Archive for Oriental Music (Archives de la musique orientale) à l’université hébraïque de Jérusalem. Le folkloriste américain Alan Lomax (1915‑2002) a conçu un autre modèle significatif de la Méditerranée et de sa musique. En travaillant, en Italie, avec le folkloriste italien Diego Carpitella, en 1953 et 1954, Alan Lomax a remarqué que les différences entre les styles de musique folklorique du Sud et du Nord du pays suivaient un schéma particulier. Dans le Nord du pays, on trouvait prin- cipalement des ensembles polyphoniques, alors que le chant en solo

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