Mort, rites de la | Ravis-Giordani, Georges

Mort, rites de la 998 de leur vêtement de dessus, à hauteur du cœur, une déchirure d’une palme de long, signe visible au quotidien de leur affliction. La toilette du défunt constitue pour les juifs et les musulmans une obliga- tion religieuse affirmée et quasiment théâtralisée. Chez les juifs, elle est confiée à la confrérie Hevra Qaddisha. Le corps est lavé avec soin et respect, soit par une immersion complète soit par une abondante et continue aspersion qui doit toucher toutes les parties du corps ; après quoi le défunt est revêtu de vêtements blancs et, s’il est un homme, de son châle de prière. Chez les musulmans, c’est la famille qui se charge de la toilette. On procède ici aussi à un lavage complet dans une eau additionnée d’eau de rose ou d’autres essences aromatiques, en commençant par la tête, puis le dos et les membres ; les ongles sont soigneuse- ment nettoyés ; on bouche tous les orifices du corps, sauf la bouche, et on oint de henné tout le corps ; puis celui-ci est enveloppé d’un linceul blanc non cousu pour que l’âme puisse se libérer du corps. Chez les chrétiens, la toilette est plus sommaire, moins formalisée ; son symbolisme religieux (se présenter pur devant Dieu) est moins clairement affirmé ; le respect du mort est la principale motiva- tion ; on revêt le mort de ses plus beaux habits (costume, ou robe, de marié[e]). Les parents éloignés, amis, voisins peuvent dès lors venir présenter leurs condoléances et offrir leurs services qui consistent, en particulier, à apporter à la famille endeuillée les repas qu’elle prendra en attendant les funérailles ; car dans la maison du mort toutes les activités domestiques ordinaires sont suspendues, et chez les juifs, les fidèles sont même dispensés des prières et des actes religieux de la vie quotidienne. La veillée funèbre a une importance plus ou moins grande selon les religions. Réduite à une seule nuit chez les musulmans et les juifs, elle réunit la famille proche, des représentants de la confrérie et quelques religieux ; on prie, on lit des passages du Livre (psaumes ou sourates). Le repas servi aux veilleurs est sobre. Chez les chrétiens, elle prend une plus grande place et réunit un cercle de fami- liers plus large : on mange et on boit et, la nuit s’avançant, il arrive que le ton de la conversation devienne plus libre, voire licencieux et parodique, comme le signalent Ernesto De Martino pour l’Italie du Sud et Jean Cuisenier sur des exemples rou- mains. Il se peut que cette liberté de ton soit destinée à réduire l’affliction ; en tout cas, elle empêche les proches du mort de s’isoler du reste de la communauté, et amorce, d’une certaine manière, le travail de mise à distance du mort. Il y a en effet dans la douleur des proches du défunt le risque d’une dérive vers un excès d’affliction qui enfermerait les endeuillés dans la spirale mortifère d’un deuil pathologique ; en fait, le rituel de la déploration, par sa forme codifiée, sa métrique, ses formules et ses images plus ou moins stéréotypées, transforme l’hébétude de la douleur en un chant et en des gestes (cris aigus, lacération du visage et du corps, arrachement des cheveux) qui laissent s’exprimer la douleur

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