Mort, rites de la | Ravis-Giordani, Georges

Mort, rites de la 999 et, en même temps, la canalisent, la socialisent et lui offrent une issue positive dans la résignation éclairée par l’espérance ; et d’autant plus quand elle est le fait de pleureuses extérieures à la famille, choisies pour leur talent à opérer cette transmutation. Ces manifestations qui, dans le monde homérique, étaient indif- féremment masculines et féminines sont, depuis longtemps, dévolues aux seules femmes et contenues dans l’espace de la maison et ses abords. Chez les juifs et les musulmans et même assez souvent dans le monde chrétien, on écarte les femmes de la mise au tombeau qui consacre la séparation définitive du mort. Indépendamment de cette spiritualisation de la douleur, les lamentations funèbres ont parfois aussi un rôle de purgation des conflits au sein de la famille et de la communauté. Giuseppe Pitrè pour la Sicile, Ernesto De Martino pour la Basilicate, Fernand Ettori pour la Corse en donnent des exemples ; c’est que la mort ouvre un espace de liberté et d’immunité pour la parole de celles qui ne l’ont presque jamais dans la sphère publique. De la maison au tombeau, le dernier voyage terrestre du mort est différent d’une religion à l’autre. Chez les musulmans, le cortège doit marcher rapidement car si l’âme du défunt est pure, elle est pressée de rejoindre son séjour définitif. La prière du mort est une obligation religieuse en islam (fard kifaya) . Elle s’ef- fectue systématiquement dans la mosquée ou au cimetière. Il en va de même pour le passage par la synagogue ; le cortège d’enterrement juif avance lente- ment, et ceux qui le croisent doivent l’accompagner sur au moins 2 mètres. Le cortège chrétien, lui, passe obligatoirement par l’église où un office religieux, parfois long (messe chantée), clos par une absoute (bénédiction et encensement du cercueil) précède l’inhumation. À l’entrée ou à la sortie de l’église la famille reçoit les dernières condoléances. L’inhumation est vécue comme la séparation physique d’avec le défunt : on ne pourra plus désormais le voir ni le toucher ; extrait de son cadre familier, il appar- tient à un autre monde. Chez les chrétiens, l’absoute ayant été dite à l’église, l’in- humation n’est plus que l’accomplissement profane et privé de cette séparation ; tout au plus, les assistants se succèdent au bord de la tombe pour jeter sur le cer- cueil une poignée de terre ou une fleur. Dans le cas de la crémation, qui depuis quelques décennies gagne du terrain, l’absoute est généralement donnée sur les lieux mêmes de la crémation. Chez les juifs et les musulmans, l’inhumation est un rituel à part entière dans lequel la communauté et les autorités religieuses occupent le premier plan. Le rituel juif comporte l’éloge du défunt, la récitation du kaddisch (si possible par le fils aîné) et la hachkabah (prière pour le repos de l’âme). Chez les séfarades, on procède au hakkaphot (on fait sept fois le tour de la tombe). Le cercueil est descendu dans la tombe où l’on a déposé un peu de la terre de Jérusalem, et chacun des participants y jette une pierre avant que la pierre tom- bale soit scellée. Elle sera consacrée l’année suivante. Le rituel musulman est plus

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