Migration | Gastaut, Yvan

Migration 936 Circulation des hommes mais également des idées : avec l’entre-deux-guerres, le flux d’une main-d’œuvre venue du sud s’accroît, ce qui amorce un début de visibilité culturelle repérable avec la mosquée de Paris inaugurée en 1926 ou l’ouverture de l’hôpital franco-musulman de Bobigny en 1935. L’apparition de mouvements politiques et intellectuels comme l’Étoile nord-africaine, cri- tiquant le système colonial, est une autre preuve de ces hybridations sociales, idéologiques et culturelles entre intellectuels, étudiants ou ouvriers de métro- pole et des colonies. Autre réalité, avec les débuts de l’industrie pétrolière, à partir des Trente Glorieuses, une logique d’attraction d’une main-d’œuvre pour l’industrie se développe dans la péninsule Arabique, qui provoque des flux variés, mélange de main-d’œuvre qualifiée, dans les années 1940, tel le recrutement d’Italiens, sou- vent anciens colons d’Érythrée, par l’ Aramco (compagnie nationale saoudienne d’hydrocarbures), ou d’une main-d’œuvre de base constituée de Palestiniens, d’Égyptiens ou d’Indiens et plus tard de Philippins. Après 1945, certains flux sont le fait de changements politiques consécutifs aux conséquences de la Seconde Guerre mondiale et notamment de la créa- tion de l’État d’Israël en 1948 : immigration juive en Palestine, émigration de Palestiniens mais aussi d’Égyptiens, de Syriens ou de Libanais vers l’Europe. Sur un plan social, avec le début de la période des Trente Glorieuses, les migrations méditerranéennes prennent une ampleur bien plus importante dans le sens sud-nord. Il s’agit principalement de flux de travailleurs immigrés venus du Maghreb vers la France et plus largement l’Europe dans un contexte d’appel à la main-d’œuvre qui se développe de manière concomitante au processus de décolonisation. Une fois l’Algérie indépendante, les migrations maghrébines s’intensifient jusqu’au milieu des années 1970 avec de nouveaux dispositifs d’ac- cueil et de contrôle aux frontières et dans les ports, et notamment à Marseille qui conserve sa vocation de ville d’accueil. Travail en usine, logement en bidon- ville : les travailleurs immigrés, individus isolés ou venus avec leurs familles, sont des marginaux dans les sociétés de la rive nord, vivant pauvrement à l’écart de la société d’accueil. Avec le choc pétrolier de 1973‑1974, de brutales décisions de restriction des flux migratoires sont prises pour tenter de juguler la crise économique. À la fer- meture des frontières, décidée en France à partir de juillet 1974, répondant aux discours sur l’« immigration zéro », se succèdent des tentatives d’inversion des flux avec les politiques dites « du retour » et notamment le « million aux immi- grés » proposé en 1977, sans grand succès, par le gouvernement français pour inciter à repartir s’installer au pays d’origine. Depuis les années 1980, d’anciens pays d’émigrations du nord de la Méditerranée deviennent à leur tour des pays d’accueil : c’est le cas notamment

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