Migration | Gastaut, Yvan

Migration 935 attendre le milieu du xix e siècle pour observer l’amorce d’une migration de masse. Avec le temps de l’expansion coloniale conjugué à celui de la « révolu- tion industrielle », se produit une généralisation des mouvements humains qui changent également de nature. Parallèlement aux départs pour les Amériques, un flux non négligeable de populations européennes se dirige du Nord vers le Sud de la Méditerranée dans certaines provinces de moins en moins maîtrisées par l’Empire ottoman (Algérie, Égypte, Proche-Orient, Tunisie) à la faveur d’un cadre colonial lancé avec la « campagne » d’Égypte de Bonaparte, et surtout la prise d’Alger en 1830 par l’armée française, qui se précise au fil du siècle. Mais il ne s’agit plus seulement de militaires, de diplomates, de commerçants, d’exilés politiques, de voyageurs au long cours ou aventuriers. Des groupes villageois, des familles, des individus, motivés par un nouveau projet de vie plus agréable et plus rentable, cherchent au sud une terre d’accueil. Par exemple un nombre important d’Européens, de Français, mais aussi d’Italiens, d’Espagnols et de Maltais arrivent par contingents à Alger dans le courant du xix e siècle. Conséquence de ces mouvements, une importante population est progressivement installée, créant le groupe d’abord désigné sous le vocable « Algériens », bien plus tard renommé « pieds-noirs ». Certes minoritaire par rapport aux indigènes cantonnés dans un statut de subal- ternes, cette population émigrée développe, jusqu’aux indépendances plus de cent ans plus tard, une culture spécifique que d’aucuns caractérisent comme « médi- terranéenne ». Dans ces contingents, mêlant « grands colons » et « petit peuple », se côtoient fonctionnaires, entrepreneurs, commerçants, artisans, ouvriers et paysans. Par exemple en Égypte, on dénombre de nombreux ouvriers italiens et grecs dans les chemins de fer, les ports, les tramways et les manufactures de tabac. Alexandrie est à ce titre un exemple de ville cosmopolite, ayant accueilli une grande diversité de migrants venus de différents points de la Méditerranée entre le milieu du xix e et le début du xx e siècle. Dans un autre sens, c’est bien l’essor du capitalisme qui engendre des mouve- ments du sud vers le nord, qui vont s’amplifier au fil des décennies, déstructurant les sociétés traditionnelles fondées sur l’agropastoralisme. La France hexagonale est alors le principal réceptacle de ces mouvements. Ces « migrants », qui se mêlent aux travailleurs étrangers italiens, belges ou polonais, sont le plus sou- vent des indigènes circulant entre colonie et métropole à l’image des ouvriers venus de Kabylie qui s’emploient dans les usines de la région parisienne à la fin du xix e siècle. Ce système se généralise avec la Première Guerre mondiale : toute une main-d’œuvre coloniale venue principalement du Maghreb afflue vers la métropole pour prendre part, avec les soldats indigènes, à l’effort de guerre français. La situation se reproduira avec la Seconde Guerre mondiale malgré un contexte bien différent.

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