Migration | Gastaut, Yvan

Migration 937 de l’Italie, de l’Espagne ou de la Grèce. Ces pays sont confrontés à d’importants flux (Marocains en Espagne ; Libyens ou Tunisiens en Italie ; Albanais, Turcs, Égyptiens en Grèce), ce qui élargit la problématique des migrations à de multiples réalités nationales et intercontinentales. La Méditerranée apparaît alors comme une ligne de frontière entre Nord et Sud en matière de transfert de populations. L’idée d’une « Europe forteresse » fait son chemin jusqu’à nos jours. D’autant que les flux illégaux qui ont toujours existé, que ce soit par voie maritime et/ou terrestre, font l’objet d’une attention policière et médiatique. Le thème de l’« immigration clandestine » suscite inquié- tudes et politiques publiques : la figure du « sans-papiers », ce migrant indési- rable venu du Sud qui traverse les frontières au mépris des autorités, engendre crispations et rejet. Certains espaces méditerranéens sont devenus des zones de passage de ces migrations comme par exemple les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla ainsi que Tanger-Gibraltar ou plus encore les îles européennes proches des rivages du Maghreb, tels Malte, mais aussi l’archipel italien des Pelages avec notamment Lampedusa. À l’image de la mise en place en 2004 de l’Agence euro- péenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (Frontex), la surveillance des fron- tières entre l’Europe et les autres pays méditerranéens s’est accrue dans le but de juguler les flux. Parmi d’autres, le cas notamment entre la Grèce et la Turquie le long de la frontière constituée par le fleuve Évros, principal accès des migra- tions clandestines vers l’Europe au cours des années 2000, est particulièrement aigu : la construction d’un mur sur une partie vulnérable de cette frontière a été décidée en 2011 par le gouvernement grec. Depuis les « printemps arabes » de 2011, l’intensité des migrations s’est accrue : des réfugiés notamment syriens, ou à un degré moindre érythréens, fuyant des situations de chaos dans leur pays, se déplacent dans de multiples directions, et principalement vers la rive nord. En 2015, cet afflux a pris une telle ampleur que les opinions publiques euro- péennes ont parlé de la « crise des migrants ». Cette crise se fixe principalement sur l’espace méditerranéen qui s’avère singulièrement meurtrier : plus de 3 700 vic- times sont recensées en 2015. Face à ces chiffres, l’image de la mer terre de contact et d’échanges se heurte à son contraire, une mer-muraille qui se dresse pour empêcher l’arrivée de populations frappant à la porte de l’Europe. Lampedusa a été, en octobre 2013, le théâtre de l’une des tragédies les plus meurtrières avec le naufrage d’une embarcation de fortune transportant environ 500 passagers à quelques dizaines de milles des côtes : 366 victimes ont été déplorées. Si la fin du xx e siècle et le début du xxi e ont vu les migrations en Méditerranée se développer davantage dans un sens sud-nord, de nouvelles circulations sont perceptibles. D’une part, avec le développement des moyens techniques facilitant

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