Messinien | Suc, Jean-Pierre; Popescu, Speranta-Maria

Messinien 919 et des Carpates, qui persistèrent comme lacs suspendus pendant le paroxysme de la crise. C’est l’aridité climatique accrue par la dessiccation méditerranéenne (Murphy et al ., 2009) qui causa une chute conséquente du niveau de la mer Noire (Gillet et al ., 2007). Le volume évalué des évaporites alors déposées sous les bassins méditerranéens centraux (de l’ordre de 1 million de km 3 ) équivaut à l’évaporation de huit fois le volume en eau de la Méditerranée actuelle, ce qui implique des apports d’eau océanique pour permettre leur précipitation. Ces apports en eau salée ont dû provenir du seuil de Gibraltar où l’érosion a pro- bablement permis un écoulement d’eau atlantique qui est allé croissant (Blanc, 2002). Ainsi la modeste élévation du niveau méditerranéen qui s’ensuivit a-t‑elle permis le dépôt de la grande masse des évaporites, en particulier la halite très reconnaissable sur les profils sismiques. Toutefois, cette élévation de l’eau au centre des bassins méditerranéens s’est poursuivie en raison de l’augmentation du déversement à Gibraltar (océan global revenu à haut niveau) jusqu’à arrê- ter la précipitation évaporitique puis favoriser le développement de surfaces planes d’abrasion marine (action des vagues), bien documentées par les profils sismiques comme dans le golfe du Lion, signature de la montée progressive (~900 m) du niveau méditerranéen (Bache et al ., 2012). La remise en eau (5,46-5,30 Ma ; planche IVe) C’est alors que survint l’effondrement subit du seuil de Gibraltar, à la suite de l’intense érosion par les eaux atlantiques (Blanc, 2002). Un véritable déluge cataclysmique provoqua l’inondation du bassin méditerranéen (élévation du niveau de ~600 m) en quelques mois seulement (ibid.) , ennoyant les vallées et canyons fluviatiles creusés pendant le maximum de la crise et les trans- formant instantanément en rias (jusqu’à Beaune pour le Rhône, au-delà du barrage d’Assouan pour le Nil). Grâce à la hauteur élevée du niveau marin global qui persistait, ces rias se remplirent rapidement de dépôts deltaïques de construction, pour partie sous-marine, pour partie subaérienne, typique, que l’on appelle Gilbert deltas (du nom du géologue américain qui les a décrits). En raison du retour foudroyant de la mer, les sédiments s’y déposèrent en sys- tème progradant (sédiments sableux à conglomératiques avec une pente natu- relle non déformée, appelés foreset beds , vases argileuses riches en microfossiles marins, appelées bottomset beds , s’étalant progressivement de l’exutoire du fleuve vers le bassin avant de croître verticalement en aggradation comme les deltas subaériens une fois que l’espace sous-marin est rempli de dépôts (ce sont les topset beds sableux à conglomératiques, équivalents de la nappe alluviale des deltas communs). Ces édifices sédimentaires en Gilbert deltas sont la signa- ture a posteriori de la crise de salinité messinienne, facilement identifiables dès

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