Médias | El Oifi, Mohammed; Gebeil, Sophie

Médias 900 entend rendre compte à la fois des relations et des rapports de force entre des agents intéressés à un même type d’activité – ici les activités médiatiques en Méditerranée, des effets des processus d’institutionnalisation, et des façons de penser et de faire qui permettent de participer aux activités considérées. Ainsi, les interactions entre les acteurs médiatiques enMéditerranée se structurent en fonc- tion des atouts et des ressources, qu’elles soient politiques, financières ou encore culturelles, linguistiques. Saisir les enjeux politiques des médias en Méditerranée est une entreprise qui se heurte à plusieurs difficultés. Tout d’abord, l’impossible cartographie des médias en Méditerranée rend approximative l’identification des acteurs médiatiques pertinents de cet espace mouvant dans lequel « l’imaginaire est au moins aussi important que les réalités » (Ruel, 1991). À titre d’exemple, entre 1939 et 1967, c’est la radio britannique BBC en arabe qui a été le média le plus influent en Méditerranée (Partner, 1988). Ainsi, le champ médiatique en Méditerranée n’obéit que partiellement à une logique géographique, il est donc construit moins par les émetteurs et leurs stra- tégies que par les récepteurs qui, en arbitrant en faveur d’un média, consacrent sa centralité et son influence, définissent ainsi les frontières à géométrie variable du « champ médiatique méditerranéen ». La recherche de l’influence politique à travers un positionnement central sur ce champ explique l’activisme et le volon- tarisme de certains États pour hâter la structuration et l’institutionnalisation de ce champ et assurer sa survie. C’est à l’occasion de la campagne de Napoléon Bonaparte en Égypte (1798‑1801) que la presse est utilisée pour la première fois comme moyen de communication politique ou de « propagande » au service d’une politique de domination européenne en Méditerranée. Napoléon Bonaparte a importé en Égypte trois jeux de caractères : latins pour s’adresser aux soldats français ; arabes pour l’opinion locale ; grecs pour les études des savants qui l’accompagnaient dans son expédition. Deux publications, Le Courrier de l’Égypte et La Décade égyptienne , marquèrent durant trois ans le véritable début de la presse en Égypte et particulièrement de la presse francophone. Cette opé- ration militaire a permis ainsi d’introduire le concept de journal en Égypte (Gamil, 1993). Ce qui retient l’attention, c’est l’usage politique que Napoléon Bonaparte fit des médias, ici de la presse, comme moyen de communication tout à fait nouveau, dans sa volonté de gagner les Égyptiens à sa cause et leur présenter son projet d’une « Égypte égyptienne » débarrassée du « joug turc » (Laurens, 1989). Après la chute de l’Empire ottoman en 1924, ses anciennes provinces arabes sont devenues l’objet des rivalités entre les puissances médi­ terranéennes, l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Les rivalités se sont exacer- bées à la veille de la Seconde Guerre mondiale, ce qui explique le lancement par l’Italie et l’Allemagne de radios qui émettent en langue arabe pour s’adresser aux opinions publiques et les inciter à contester l’emprise coloniale britannique et

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