Martyr | Bromberger, Christian

Martyr 858 et s’exposant à la mort en affichant leur identité chrétienne, etc.). Torturés, sup- pliciés, ces martyrs demeurent invulnérables et continuent d’affirmer leur foi ; la légende ajoute que certains, décapités, vont porter leur tête jusqu’au lieu de leur futur sanctuaire (saint Denis est un de ces saints céphalophores). À la vic- time passive et souffrante (les soldats martyrs chrétiens auraient dit à l’empe- reur Maximien : « Nous aimons mieux mourir que tuer, mourir innocents, au lieu de vivre coupables »), l’islam oppose le martyr combattant, luttant active- ment pour propager la foi. « À ceux qui, combattant dans le Chemin d’Allah, sont tués ou sont vainqueurs, nous donnerons une rétribution immense », dit la sourate IV, 76-74, du Coran (traduction Blachère). D’autres fidèles peuvent recevoir le titre de martyr : ceux qui sont décédés alors qu’ils effectuaient un acte méritoire, un pèlerinage par exemple, les guerriers dont la mort n’est pas la conséquence immédiate de leurs blessures, les croyants qui sont morts de mort naturelle après avoir mené une existence vertueuse… Ce sont les shuhadâ’ al âkhira , les « martyrs de l’autre monde » (Kohlberg, 1996, p. 211), mais qui ne jouissent pas de la même aura que ceux qui ont associé jihad et martyre. Dans le christianisme et en islam, le martyr bénéficie d’un statut particulier. En islam, contrairement aux autres défunts, les « martyrs du champ de bataille » (shuhadâ’ al-ma’raka) peuvent être inhumés, sans avoir été lavés préalablement, dans leurs vêtements couverts de sang. Selon certaines écoles juridiques, il est inutile de dire des prières pour leur salut, « le martyr étant purifié de tout péché, il n’a besoin d’aucune intercession » ( ibid. , p. 210). Son comportement héroïque lui vaut les faveurs de Dieu. « Et ne crois point que sont morts ceux qui ont été tués dans le Chemin d’Allah ! Au contraire ! ils sont vivants auprès de leur Seigneur, pourvus de leur attribution. » (Coran, III, 163-169, traduction Blachère.) Le martyr est ainsi préservé du tourment du tombeau et du purgatoire ; il épousera 72 hou- ris. Dans le christianisme, des récompenses, de nature différente, sanctionnent ceux qui ont été martyrisés pour ne pas avoir renié leur foi. « Tous ceux qui, traînés devant les autorités, ont été soumis à la question et n’ont pas nié mais, au contraire, ont souffert avec empressement, ceux-là sont beaucoup plus glo- rieux auprès du Seigneur et leurs fruits sont les meilleurs », lit-on dans le Pasteur d’Hermas (ii e siècle). Au paradis, ces saints martyrs sont, dans le christianisme, des intercesseurs pour les croyants qui les sollicitent ; les uns et les autres font l’objet d’un culte particulier par les fidèles dont ils sont les saints patrons (Étienne pour les éleveurs de chevaux, Sébastien pour les archers, les tailleurs de pierre, les tapissiers, etc., Cécile pour les musiciens…), mais surtout le pèlerinage à leurs sanctuaires, le culte de leurs reliques sont vécus comme des médiations vers la béatitude céleste. Exemple parmi d’autres, cette oraison dans le missel de la Curie romaine au xiv e siècle : « Dieu qui as donné la Loi à Moïse au sommet du mont Sinaï et qui y as fait miraculeusement déposer par tes anges le corps

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