Mamelouks | Denoix, Sylvie

Mamelouks 828 masse d’armes… (Carayon, 2012). En effet, une des spécificités de la société mamelouke est que ces deux groupes, tout en étant très différents, ne peuvent vivre les uns sans les autres. Contrairement à ce qui a parfois été écrit, ce sont tout sauf des castes, dans la mesure où les deux groupes sociaux communiquent entre eux (Eychenne, 2013). Ils s’intermarient, les filles des uns épousant les fils des autres ; les fortunes privées des mamelouks comme le Trésor public sont gérés par ces civils qui connaissent l’administration ; les mamelouks, souvent très pieux, parfois soufis, pratiquent l’islam sous la férule d’un cheikh qu’ils choi- sissent par conviction. Ces interactions entre les deux groupes sont nombreuses, constantes et relèvent de registres variés. On comprend alors que le positionnement social des mamelouks les situe comme « minoritaires dominants ». Cela se lit dans leurs noms propres qui sont fait de plusieurs modules disant les strates des différents moments de leur vie. Un premier prénom, turc, rappelle le monde de la steppe où les animaux, comme des totems, donnent leur personnalité aux tribus et aux hommes qui s’ap- pellent « taureau noir » (Karabughâ), « riche panthère » (Baybars), « aigle blanc » (Âqkûsh), « oie sauvage » (Qalâwûn) (Chapoutot, 1993). Les autres segments de leur nom dit leur appartenance à la nouvelle société : un deuxième prénom leur est donné, marquant le lien avec la nouvelle religion : Najm al-Dîn (Étoile de la religion), ou Sayf al-Dîn (Sabre de la religion) ; une filiation musulmane (fictive puisque leurs parents biologiques sont non musulmans) est signifiée par Ibn ‘Abd Allâh ; le nom de leur premier maître, le marchand qui est allé les ache- ter, ou le mamelouk qui les a acquis au Caire est présent dans leur nomination par un nom de relation al-Nejmî (le mamelouk de Nejm el-Dîn), « al-Sâlihî » (celui d’al-Sâlih) ; souvent un surnom montre une apparence physique « Le Borgne » ou « Le Boiteux », ou dit une anecdote de leur vie : « Celui qui a été acheté pour 1 000 dinars ». On voit donc que les mamelouks, tout en étant intégrés à la société d’accueil, majoritairement arabophone (et pour partie coptophone), en tant que musul- mans, ne renient pas leur turcité passée. D’ailleurs, entre eux, ils parlent une des langues turques (le kiptchak, le tchaghataï…), même si, depuis qu’ils sont arri- vés au Caire, ils ont appris l’arabe. Leur éducation comprend aussi une islami- sation, contribuant à les intégrer à la société par la religion musulmane dont ils se font les champions. Les divers éléments de leur intégration ne les empêchent pas de se percevoir comme une aristocratie. Une aristocratie de cavaliers En effet, les mamelouks sont adeptes des beaux-arts équestres (al-furûsiyya) , sorte de chevalerie qui les distingue du vulgum pecus , fût-il savant. Ainsi, ils pratiquent des sports et des loisirs réservés à l’élite comme le qabaq (un jeu d’adresse de tir

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