Mamelouks | Denoix, Sylvie

Mamelouks 829 à l’arc à cheval), le polo, la chasse. La science de la furûsiyya concerne notamment l’hippologie et l’hippiatrie. Les sultans mamelouks sont amoureux des chevaux et certains d’entre eux, comme al-Nâsir Muhammad ben Qalâwûn, ont dépensé des fortunes pour enrichir leurs haras de nouvelles montures (Carayon, 2012). L’espace urbain est marqué par la présence des chevaux : les palais des mame- louks comprennent d’immenses écuries dont la taille dit le rang du mamelouk et dans lesquelles sont « des coursiers, des chevaux de guerre, de parade, de main, de polo… » (Carayon, 2012, p. 312). Des haras, des manèges sont construits en maints endroits de la ville, notamment sous la citadelle, où l’hippodrome (mîdân) accueillait les joueurs de polo et de qabaq , qui faisaient démonstration de leur vigueur et de leur adresse à la monte devant un public admiratif. Les chevaux faisaient aussi partie des cadeaux que ces princes se faisaient et faisaient à leurs ennemis pendant les trêves lors des cadeaux d’ambassades. Conscients de leur position à la tête de l’État, ils élaborèrent d’une part une hiérarchie des postes et des fonctions (Martel-Thoumian, 1991), à laquelle cor- respondait une héraldique (on peut voir les blasons des mamelouks sur des textiles leur ayant appartenu ou sur les objets de verre ou de céramique qu’ils commanditèrent), d’autre part des rituels de pouvoir très sophistiqués faisant démonstration de leur splendeur pour le public, par de somptueuses parades en ville. Ainsi, les cours de justice tenues en public, souvent dans les lieux où leurs prédécesseurs illustres ont eux-mêmes rendu la justice, est une des manières de se présenter en princes dotés de fonctions les positionnant dans le jeu des élites religieuses, alors qu’il existe un corps de cadis. Les défilés en ville, commençant par la descente à cheval de la citadelle, avec les émirs rangés dans un ordre proto- colaire, avec des chevaux ornés de selles d’apparat, participent de cette démons- tration aristocratique. Certains éléments de ces rites urbains présentent les mamelouks comme des champions de l’islam sunnite. Ainsi, le mahmal , le palanquin qui, chaque année, apporte du Caire à La Mecque le voile recouvrant la Ka‘aba, part en grande pompe de la porte nord de la ville, au sein d’une caravane menée par le grand émir chargé de conduire les pèlerins sains et saufs à La Mecque. La dynas- tie se montre là comme parrainant le pèlerinage, une des obligations majeures des musulmans. Les plaisirs aristocratiques ne sont pas uniquement démonstratifs et la cour aime aussi à se retrouver dans un entre-soi festif. Ainsi, dans les années 1320, à la suite d’un vœu, le sultan al-Nâsir Muhammad construisit dans le village de Siryaqûs, à une vingtaine de kilomètres au nord du Caire, un couvent (khanqâh) pour les soufis, des palais, un hippodrome et des pavillons pour les plaisirs de la cour. Chaque année, le sultan, les secrétaires de ses bureaux, sa cour, quittent le Caire pour Siryaqûs avec de nombreux chevaux, pour une villégiature de

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