Mamelouks | Denoix, Sylvie

Mamelouks 827 on appelle alors cette période « burgite », ou « circassienne », eu égard à l’origine des nouveaux venus qui, à partir de cette date, sont raptés ou achetés dans les steppes tcherkesses. Le domaine mamelouk comprend l’Égypte, la Syrie (enten- due dans le sens médiéval, soit comprenant la Jordanie, la Palestine, le Liban actuels), puis, à partir de 1325, le Hedjaz, contrée où se trouvent les villes saintes de La Mecque et Médine. Des pratiques de distinction aristocratiques et une insertion sociale réussie Les mamelouks sont étrangers et numériquement minoritaires, donc outsiders , mais politiquement dominants. Leur position est ainsi l’objet d’une tension entre une nécessité d’assimilation dans la société d’accueil et une volonté de dis- tinction : ils sont des aristocrates, et tiennent à marquer leur différence d’avec ceux qui n’en sont pas. Cette dynastie a pour particularité d’être non héréditaire dans son principe et constituée de militaires dont les plus hauts gradés, les émirs, sont toujours d’origine servile (affranchis au moment d’obtenir l’émirat). Cette situation para- doxale va produire une société très particulière. Un système social doublement élitaire La société qui se met en place sous la domination mamelouke dans la seconde moitié du xiii e siècle est pourvue de deux groupes élitaires. D’une part, les mili- taires, qui ont le pouvoir politique et disposent d’une grande partie des richesses du pays, puisqu’ils reçoivent les revenus des terres, les taxes du grand commerce et des productions locales, agricoles, surtout. D’autre part, les érudits, les oulé- mas, qui détiennent les fonctions de transmission du savoir, de la judicature, et exercent les métiers religieux (ils sont imams, prédicateurs, enseignants…) ; ils peuvent être, en même temps, de grands commerçants, souvent très riches, mais parfois aussi vivre dans le dénuement, choisi ou non. Les deux groupes sont dif- férents dans leurs origines comme dans leurs fonctions sociales : alors que les oulémas sont des autochtones, arabophones, éduqués dans les sciences religieuses – traditions prophétiques, droit musulman (fiqh) , théologie (kalâm)… – et pro- fanes – astronomie, médecine, mathématiques… –, les mamelouks ont, pour leur part, été enlevés, enfants, à leur milieu d’origine, amenés par un marchand d’esclaves au Caire et élevés dans des casernes où des professeurs du milieu de ces élites civiles leur apprennent l’arabe et leur enseignent ce que doit savoir un bon musulman, pendant que des instructeurs les entraînent pour faire d’eux d’excel- lents cavaliers sachant manier les armes du temps que sont les arc, sabre, lance,

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