Maïmonide | Robberechts, Édouard

Maïmonide 820 de Babylonie et par la perte de prestige des écoles babyloniennes, Maïmonide y résume de manière systématique l’ensemble de la juridiction rabbinique conte- nue dans la Bible, le Talmud et dans la tradition subséquente. Il parvient ainsi à transférer l’autorité défaillante du rabbinat dans un livre que toute commu- nauté peut posséder et qui permet à chacun de trouver une réponse, même sans grande culture talmudique. C’est un coup de génie politique qui va permettre au judaïsme de se structurer autour de ce compendium et ainsi de survivre aux aléas de l’histoire. D’où la sentence à son propos : « De Moïse à Moïse, il ne s’en est pas levé comme Moïse. » Jusqu’à aujourd’hui, aucune décision juridique valable ne peut être prise sans faire référence à Maïmonide. À la deuxième crise, Maïmonide va répondre par la rédaction du Moreh Nevoukhim , le Guide des perplexes – ou des égarés – (1191), écrit en arabe. Il y met en évidence l’opposition entre aristotélisme et révélation biblique – et face à elle la perplexité du penseur –, de manière à la dépasser en réalisant un véritable travail de synthèse. Il se base pour ce faire sur les aristotéliciens musul- mans – surtout al-Fârâbî et Avicenne –, et sur leurs critiques – al-Ghazâlî et Juda Halevi –, pour se frayer sa propre voie grâce à un remaniement profond et réfléchi des idées antérieures. Il relève ainsi le défi de la situation intellectuelle de son époque, pose la formulation classique des problèmes et devient la pierre angulaire de toute discussion ultérieure – jusqu’à Spinoza, Moïse Mendelssohn, Hermann Cohen ou Franz Rosenzweig. Son influence débordera le judaïsme chez des penseurs comme Albert Le Grand, Thomas d’Aquin, Jean Duns Scot, ou Maître Eckart. Mais la grandeur de Maïmonide constitue aussi sa complexité. Car sa philo- sophie, fortement imprégnée d’aristotélisme, semble parfois remettre en ques- tion la tradition juive, ou même la contredire. Au point que le débat fait rage jusqu’à aujourd’hui pour essayer de déterminer sa véritable position : des philo- sophes comme Leo Strauss ou Yeshayahou Leibowitz délimitent assez bien un arc de cercle dont ils occupent les positions extrêmes… Maïmonide fait ainsi débat jusqu’à aujourd’hui et laisse perplexes ceux qu’il cherche à guider… Pourquoi ce débat ? Parce que, pour Maïmonide, la révélation ne peut s’ef- fectuer sans philosophie, ni la philosophie se constituer sans révélation. Même si on ne peut les confondre, on ne peut non plus les penser comme seulement extérieures l’une à l’autre. D’une part, en effet, la philosophie constitue le seul moyen pour s’approprier de l’intérieur le contenu de la révélation. Celle-ci sup- pose à tout le moins que l’homme puisse comprendre ce que Dieu lui dit : elle suppose l’activité de l’intelligence qui reçoit la révélation. Une transmission pas- sive, traditionnelle, ne suffit donc pas. Seule une appréhension active et ordonnée – philosophique – permet une réception adéquate de l’appel divin et lui donne toute sa stature et sa force. La philosophie constitue ainsi une condition sine qua

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