Maïmonide | Robberechts, Édouard

Maïmonide 821 non , une base indispensable à toute vie religieuse digne de ce nom. Mais d’autre part, cette base indispensable n’aborde pas la question religieuse sans subir elle-­ même une profonde transformation. Car l’objet religieux qu’elle vise s’avère être en cours de route ce qui nourrit le dynamisme de l’intelligence qui le cherche. L’interpellation divine devient ainsi ce qui porte et suscite l’intelligence de celui qui veut connaître… Cette double exigence concomitante se traduit par deux mouvements de pensée qui peuvent sembler contradictoires : une voie ascen- dante qui part de la connaissance du monde pour s’élever vers Dieu – c’est la voie classique vers la contemplation de la vérité dans la philosophie de l’époque –, et une voie descendante de Dieu vers le monde – qui s’apparente au mouvement de la révélation religieuse et à son contenu éthique. La voie ascendante s’inspire surtout d’Aristote. Celui-ci a montré que l’in- telligence humaine n’était parfaitement dans son élément que dans le monde naturel, sublunaire. De ce monde sensible, nous pouvons déduire l’existence d’un monde suprasensible et remonter à sa cause divine ultime. La connais- sance se voit ainsi renvoyée nécessairement vers le monde céleste suprasensible, puis vers Dieu comme Cause première de l’ensemble de l’existence. Mais elle ne peut le faire qu’en se fondant sur des déductions faites à partir du monde matériel, sans être à même de pénétrer l’essence spécifique de ce monde supra- sensible. Maïmonide limite ainsi la portée de la connaissance philosophique au moment même où il l’élève vers les sphères suprêmes. Or cette limitation signi- fie sa transformation en même temps que sa fondation . D’abord sa fondation . Pour prouver l’existence de Dieu, Maïmonide s’appuie sur l’idée d’un premier moteur chez Aristote en la renforçant par l’argument des aristotéliciens arabes (dont Ibn Da’ûd) selon lesquels l’existence d’êtres seu- lement possibles suppose l’existence d’un être nécessaire (Avicenne). Celui-ci, comme fondement ultime et nécessaire de tout être seulement possible, doit être absolument simple et un : toute essence dotée d’une pluralité de détermi- nations – qu’elles soient réelles ou conceptuelles – dépendrait pour son existence de ces déterminations et de leurs combinaisons, et cesserait ainsi d’être ultime. Dès lors, Dieu comme essence absolument simple ne peut plus faire l’objet d’au- cune définition positive. Sur ce point central, Maïmonide suit la tradition néo- platonicienne, telle que l’avait assimilée l’aristotélisme arabe : pour autant que la dualité du sujet et de l’objet dans toute proposition implique une pluralité de déterminations conceptuelles, la simplicité de Dieu exclut toute proposition prédicative. Au sens strict, nous ne connaissons rien de Dieu, sinon son exis- tence, et encore celle-ci ne peut-elle être désignée que de manière symbolique. Dieu désigne la limite de l’intelligence, le lieu où elle s’infinit à elle-même. Elle découvre en Dieu le nécessaire absolu qui lui faisait défaut dans la contingence du monde et se trouve ainsi fondée en tant que connaissance nécessaire, vraie.

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