Livourne, bataille de | Calafat, Guillaume

Livourne, bataille de 803 mémoire de l’affrontement et de ses « héros » victorieux, à l’instar d’une lithogra- phie figurant Van Galen blessé en train d’être soigné par le médecin du navire (1853‑1855). Les portraits gravés de Van Galen et du jeune Cornelis Tromp, qui commande le Maan , ne manquent d’ailleurs pas de rappeler leur victoire méditerranéenne face aux Anglais. Pour tenter de mieux saisir la portée de cette bataille, tâchons de l’inscrire dans le temps long. Fernand Braudel décrit, dans La Méditerranée et le Monde médi- terranéen à l’époque de Philippe II , ce qu’il appelle l’« invasion » ou l’« intrusion » des « Nordiques », à savoir la « spectaculaire descente des navires, marins, mar- chands et marchandises du Nord vers la mer Intérieure » ; une « intrusion » qui se déroule en deux arrivées massives et successives, en premier lieu sur la période qui s’étend des années 1450 jusqu’à 1552, puis, de manière plus significative, à partir des années 1570. Amorcée tout d’abord par les vaisseaux anglais affrétés par les négociants méditerranéens pour importer du hareng, de la morue, du blé, de l’étain et du plomb, rejoints plus tard par les Hanséates, les Flamands, les Bretons et les Hollandais, cette deuxième phase marque une nouvelle ère dans l’histoire méditerranéenne, avec l’apparition d’acteurs qui vont progressivement dominer le commerce maritime de longue distance et prendre part plus directe- ment aux destinées économiques et diplomatiques de la région. Cette nouvelle ère, qui se précise tout au long du xvii e siècle, n’est cependant pas le signe d’une emprise commerciale sans partage : l’historiographie récente a justement affiné le récit de cette « invasion nordique » de la Méditerranée, pointant en parti­ culier les différences et les discontinuités des pénétrations commerciales anglaises et hollandaises, précisant les zones méditerranéennes plus ou moins touchées par ces « processions de navires océaniques », et réévaluant la part du cabotage et des transporteurs locaux (qu’ils soient corses, génois, provençaux, « grecs », « ottomans », etc.) dans le commerce et le transport maritimes du xvii e siècle. Malgré ces réserves, l’« arrivée des Nordiques » est, au xvii e siècle, un phé- nomène observable qui s’explique par une imbrication de facteurs. Anglais et Hollandais peuvent ainsi compter sur des navires ronds, des vaisseaux de ligne davantage adaptés à la vitesse des échanges, moins lourds et plus rapides que les galères méditerranéennes à fort tonnage. Par ailleurs, les marchands « nor- diques » bénéficient d’importants moyens bancaires sur les marchés de Londres et d’Amsterdam qui deviennent, au cours du xvii e siècle, les principaux centres financiers d’Europe. Non pas que la Méditerranée, frappée par une « crise » dont les historiens continuent de discuter la réelle portée, soit devenue une périphérie du commerce mondial, ou bien que les Anglais et les Hollandais ne fassent que bénéficier de leur position favorable sur les routes transocéaniques. Contrairement à la vision sans doute réductrice d’un basculement du centre de gravité écono- mique mondial vers l’Atlantique à l’époque moderne, la Méditerranée demeure

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