Interdits alimentaires | Bromberger, Christian

Interdits alimentaires 724 consommation d’aliments acquis ou touchés par des mains impures est prohi- bée. Dans les traditions les plus rigoristes du judaïsme, des aliments, même cacher (« conformes » en hébreu), préparés par un non-juif ne peuvent être consom- més ; un vin fabriqué et manipulé par un gentil ne peut être bu. En islam, si le Prophète a permis aux fidèles de manger la nourriture, composée de mets licites, préparée par les gens du Livre (ahl-al Kitâb) , des juristes limitent fortement cette tolérance, déconseillant, par exemple, de manger un animal abattu rituellement par un kitabi non musulman. Ces interdits s’appliquent également aux usten- siles, qui ont pu être souillés par des aliments ou des mains impurs, et parfois aux convives (on recommande, dans plusieurs traditions, de ne pas partager un repas avec un kafir , un incroyant). Mais cette rigueur extrême n’est pas générale ; ainsi, en islam maghrébin, les fidèles peuvent acheter des denrées, consommer un repas dans des commerces tenus par des non-musulmans. L’emploi de la formule « Bismillah » avant la consommation, une vigilance particulière sur la viande servie, préservent de l’impureté. Il existe une échelle de dangers et des interdits plus durs que d’autres (dans le judaïsme comme en islam, le porc occupe le sommet de cette échelle des tabous). La jurisprudence musulmane (figh) détaille, avec un luxe de nuances, les divers degrés d’obligation, de recommandation, d’interdiction, distinguant, par exemple, les produits strictement interdits (haram) , répréhensibles (moun- kar) , déconseillés mais tolérés (makrouh) , etc. À ces interdits permanents s’ajoutent des interdits temporaires durant les périodes de jeûne (yom kippour, carême, ramadan). Durant les quarante jours précédant Pâques, les chrétiens ne doivent (devaient) consommer que des ali- ments maigres, ce qui suscitait aussi des controverses (l’œuf, produit animal, est-il gras ou maigre ?). Ces interdits temporaires peuvent s’accompagner ou non d’autres obligations (renoncement au travail profane, aux ablutions non rituelles, abstinence sexuelle…). Ils peuvent, par ailleurs, concerner des commé­ morations d’événements tragiques (dans le judaïsme, la destruction du Premier et du Second Temple de Jérusalem, le meurtre de Guédalia, dernier gouverneur de Judée avant l’exil des juifs en Babylonie…) ou des occasions rituelles spécifiques : les chrétiens doivent ainsi observer le jeûne eucharistique avant la communion (naguère la veille à partir de minuit, une durée d’une heure aujourd’hui) ; quant aux fidèles musulmans, ils ne doivent pas manger d’ail, de poireau ni d’oignon avant de se rendre à la mosquée ; en période de sacralisation, lors du pèlerinage à La Mecque, ils doivent s’abstenir de consommer du gibier de terre ferme. Inversement des produits prohibés dans le quotidien peuvent être prescrits à la faveur de rites : ainsi, au Maroc, on fait traditionnellement boire du bouillon de testicules de mouton au jeune circoncis alors que la consommation des organes génitaux des animaux est généralement proscrite en islam.

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=