Interdits alimentaires | Bromberger, Christian

Interdits alimentaires 722 prohibé parce que son élevage présentait plus d’inconvénients que d’avantages. D’autres avancent des raisons médicales ou hygiéniques pour expliquer cet inter- dit (c’est ainsi d’ailleurs que le justifient la plupart des fidèles) : le porc peut trans- mettre à l’homme une maladie grave, la trichinose. Mais ni la Bible ni le Coran ne font allusion à cette maladie que l’on ne connaît que depuis le xix e siècle. En ce qui concerne les interdits bibliques, tels qu’ils sont énoncés dans le Lévitique et le Deutéronome, les explications les plus convaincantes sont celles qui mettent en avant les mécanismes logiques de classification du pur et de l’impur, des animaux mangeables et immangeables (Douglas, rééd. 2005) ; Soler, 1973). Sont, dans la Bible, considérés comme purs les animaux dotés d’organes de loco- motion correspondant au milieu où ils vivent : ceux qui sont sur terre doivent marcher sur quatre pattes, ceux qui habitent les milieux aquatiques doivent se déplacer en nageant et être pourvus de nageoires et d’écailles ; ceux qui vivent dans les airs doivent voler avec des ailes. Tout hybride, tout animal présentant une anomalie par rapport à ces critères, doit être tenu en abomination et proscrit de l’alimentation ; il y a là un refus du mixte, du confus, qui caractérise l’Ancien Testament et qui se traduit, entre autres, par une condamnation de l’« inceste » culinaire (« Tu ne feras pas cuire un chevreau dans le lait de sa mère »). Trois autres distinctions contribuent à cette définition du pur et de l’impur : parmi les animaux terriens à quatre pattes, sont exclus de la consommation les carni- vores et les charognards mais aussi ceux qui n’ont pas « le pied onglé et l’ongle fendu » et ne ruminent pas. D’où la proscription du porc « qui a le pied onglé et l’ongle fendu mais ne rumine pas ». Ce système du pur et de l’impur qui ne concerne, notons-le, que les animaux (et non les végétaux) a été aboli par le christianisme, comme en témoigne la vision de Pierre à Joppé (Actes des apôtres, X, 10‑16) : « Mais la faim le prit et il voulut manger. On lui préparait le repas quand une extase le surprit. Il contemple le ciel ouvert : il en descendait un objet indéfinissable, une sorte de toile immense, qui, par quatre points, venait se poser sur la terre. Et, à l’inté- rieur, il y avait tous les animaux quadrupèdes et ceux qui rampent sur la terre, et ceux qui volent dans le ciel. Une voix s’adressa à lui : “Allez, Pierre ! Tue et mange”. » Mais les chrétiens continueront cependant longtemps à observer les interdits bibliques si l’on en croit les recommandations du concile d’Antioche, au iii e siècle, qui leur enjoignent de consommer du porc pour se différencier des juifs : « Les chrétiens n’imiteront pas les juifs au sujet de l’abstinence de certaines nourritures mais mangeront même du porc car la synagogue des juifs exècre le porc. » L’islam partage avec le judaïsme une commune origine sémitique, si bien que l’on retrouve dans les deux religions à peu près les mêmes interdits, ceux, par exemple, concernant le sang, la viande de porc, les cadavres d’animaux (on

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