Imprimerie | Cohen, Anouk

Imprimerie 694 par leurs auteurs. Le passage graduel de l’imprimerie (matba‘a) et de la librairie (maktaba) à la maison d’édition (dâr) a lieu plus tard, au xx e siècle (Atiyeh, 1995) . En 1885, lorsque l’exercice de la censure devient plus strict à Beyrouth, des auteurs commencent à envoyer leurs textes en Égypte (en particulier au Caire) qui jouit d’une politique libérale sous le sultan Abdülhamid II (1876‑1908) (Atiyeh, 1995). Beaucoup d’intellectuels syriens et libanais finissent par s’y installer, cer- tains temporairement, d’autres définitivement. La rencontre de ces auteurs et leurs convictions politiques communes produisent une effervescence littéraire dont le principal enjeu est la « modernité ». Au milieu du xx e siècle, auteurs syriens et libanais donnent un nouveau souffle à l’imprimerie avec l’apparition, dans les années 1940, des premières maisons d’édition de livres arabes indépen- dantes. À la Révolution égyptienne de 1952, la production d’ouvrages atteint son pic avant d’être freinée par la nationalisation de l’industrie du livre dont la nouvelle république a désormais le monopole. Le changement de régime entraîne un déplacement de la production littéraire arabe du Caire à Beyrouth où s’ac- croît le nombre de maisons d’édition au cours des années 1970. Une majorité d’entre elles est spécialisée dans les livres religieux et politiques : la capitale liba- naise devient le centre de publication des groupes dissidents arabes nationa- listes, socialistes et laïques. Jusqu’à aujourd’hui, Beyrouth et Le Caire représentent les « banques centrales » du livre arabe (Casanova, 1999, p. 181). Elles concentrent un bon nombre de créneaux éditoriaux avec le quasi-monopole du livre islamique, du livre de cui- sine, des encyclopédies, des dictionnaires et de la littérature. Depuis quelques années, ces capitales sont néanmoins concurrencées par la Syrie, la Jordanie, l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, où les champs culturels nationaux se renforcent de plus en plus (Mermier, 2005). En témoignent l’apparition de nouvelles maisons d’édition et l’augmentation des tirages aussi bien en Arabie Saoudite qu’au Yémen, en Jordanie, au Maroc ou en Tunisie. En dépit de ce renouveau, l’industrie du livre est moins développée dans le monde arabe que dans le reste de la Méditerranée. Malheureusement, l’absence de données statistiques empêche d’établir de réelles comparaisons. D’autres indicateurs en revanche mettent en évidence certaines disparités : le fort taux d’analphabétisme et la faiblesse du pouvoir d’achat en sont les deux princi- paux. Les conditions de reproduction technique du livre arabe en est une autre essentielle. Alors que l’imprimerie a connu une modernisation rapide en France, en Italie et en Espagne, les unités d’impression arabes, en particulier maghrébines, utilisent avec un retard et un moindre degré d’automatisation les mêmes techniques qu’en Europe. Au Maroc, par exemple, un nombre restreint d’imprimeries travaillent encore « au plomb », au moyen des méthodes typographiques et d’une linotype

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