Imprimerie | Cohen, Anouk

Imprimerie 695 (machine à composer au plomb). La majorité d’entre elles représente de petites unités et dispose de capacités relativement étroites, munies de presses de petit format. Ces structures produisent essentiellement des travaux commerciaux au détriment du livre dont les faibles marges sont dissuasives. Ce choix est conforté par le prix du papier, de plus en plus élevé, lié à la hausse des cours mondiaux et à l’étroitesse du marché, qui empêche les imprimeurs de produire en grande quan- tité et, par conséquent, de bénéficier de prix intéressants. Ces raisons poussent de nombreux éditeurs à externaliser leur impression à l’étranger, au Liban, en Italie et surtout en Espagne où le rapport qualité-prix est plus compétitif. Ce qui n’encourage pas les imprimeurs à moderniser leurs unités. Le Maroc n’est pas le seul pays de la région à être confronté à ces difficultés. En fait, seuls les éditeurs égyptiens et libanais spécialisés dans la production de livres turâth , c’est-à-dire les œuvres issues du fonds du patrimoine littéraire, lin- guistique et religieux arabe ( turâth désigne en arabe le « legs culturel »), inves- tissent dans les travaux d’impression et relient leurs livres. « Le caractère lucratif de la commercialisation de ce type d’ouvrages, notamment de sa part religieuse qui est la plus importante, provient du fait que son marché déborde de loin les pays arabes pour embrasser l’ensemble du monde islamique. » (Mermier, 2003, p. 417.) En outre, ajoute l’auteur, « l’absence de droits d’auteur (puisqu’il s’agit de la réimpression d’ouvrages du patrimoine islamique) et un risque réduit de censure en diminuent les coûts initiaux, ce qui permet aux éditeurs de porter une partie des investissements financiers sur la reliure de façon à accroître la valeur symbolique et matérielle de ces ouvrages » (ibid.) . Au matériel obsolète s’ajoute une autre difficulté : la faible qualification des ouvriers des salles des machines, qui n’ont bien souvent pas reçu de formation particulière dans les métiers d’impression. Ils présentent généralement un faible niveau d’instruction ou sont, comme au Maroc, analphabètes. Les ouvriers apprennent le métier sur le tas, par imitation et répétition des gestes de leurs aînés. Enfin, la mise en pages du livre arabe continue de poser problème. Contrairement à l’écriture latine qui possède, depuis l’époque romaine, deux styles d’écriture : l’une manuscrite et l’autre constituée de caractères, l’écriture arabe est une, et l’imprimerie et l’outil informatique continuent de reproduire fidèlement sa structure manuscrite et cursive. Cette particularité, combinée à d’autres (comme la multitude des formes des lettres, les signes de vocalisation, la direction de l’écriture de droite à gauche, etc.), complique la codification de l’alphabet arabe. Cette situation avait conduit en 1938 l’Académie de langue arabe du Caire à créer une Commission de la réforme des lettres arabes chargée de simpli- fier l’écriture. Mais des controverses religieuses, culturelles et nationalistes per- turbent jusqu’à aujourd’hui la fixation de la fusha sur des assises normatives. Des

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