Îles | Bernardie-Tahir, Nathalie

Îles 688 du secteur touristique. À part quelques rares îles (Gozo, les îles Kerkennah ou encore les îles les plus excentrées des archipels italiens ou grecs) qui, mal des- servies, demeurent encore en marge du tourisme, la plupart d’entre elles vivent donc au rythme d’une activité qui est devenue, en quelques décennies, l’élément central du modèle économique insulaire en Méditerranée. Si elles ont incontestablement permis de stopper l’hémorragie migratoire qui vidait les îles de leurs forces vives, voire de générer une immigration inédite avec le retour d’anciens émigrés et l’arrivée de migrants attirés par les nouvelles possi- bilités d’emplois, ces évolutions économiques majeures ont, par ailleurs, profon- dément bouleversé la structuration territoriale ancienne des îles. L’urbanisation et le développement touristique concomitant ont en effet consacré le littoral comme la nouvelle polarité territoriale insulaire, au détriment des espaces de l’intérieur pâtissant du déclin des activités agricoles et de la déprise démogra- phique. Il ne s’agit pas bien sûr de verser dans la caricature tant les situations peuvent être contrastées d’une île à l’autre, et tant les causalités sont plurielles et complexes. Toutefois, force est de constater que la littoralisation récente des hommes et des activités signe un véritable basculement de l’espace insulaire utile, autrefois peu tourné vers les zones côtières impaludées ou exposées aux exac- tions de corsaires ou de pirates. Dans la Balagne corse comme dans la petite île grecque de Skopelos, à Minorque comme à Djerba, les mêmes recompositions territoriales sont à l’œuvre : les territoires ruraux intérieurs se vident progressi- vement, avec pour corollaire le déclin des villages et l’enfrichement des paysages tandis que les zones littorales se développent sous la double pression urbaine et touristique. C’est ainsi qu’à Majorque ou à Malte, les infrastructures hôtelières se sont démultipliées au point de former des fronts de mer urbanisés en continu sur plusieurs kilomètres (le terme générique de « baléarisation » a d’ailleurs été inventé pour qualifier ce processus). Parallèlement, dans la plupart des grandes îles mais également dans des îles de taille moyenne ou petite (Malte, Djerba, Ibiza, Mikonos, Santorin, Lampedusa, Corfou, etc.), des routes sont élargies, de nouvelles rocades voient le jour, des ports de plaisance sont aménagés autour de vastes marinas, de nouveaux quais sont construits pour accueillir les paque- bots de croisière, des golfs sont ouverts, etc. La progression croissante des constructions et équipements touristiques, combinée à la dynamique urbaine proprement dite, remet aujourd’hui en question la durabilité du système littoral dans un certain nombre de territoires insulaires, particulièrement dans les petites îles où le processus de littoralisation est poussé à l’extrême. Cette forte anthropisation dans un espace très limité provoque des tensions sociales souvent liées à des conflits d’usage. La congestion du trafic et de l’espace littoral à certaines heures de la journée ou encore le renchérissement du coût du foncier et l’émergence corollaire d’un phénomène de gentrification

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